Les maux qui affligent désormais l’Union sont si profonds qu’il lui faut recréer un consensus autour d’objectifs clairs et incontournables. 

L’Union européenne souffre à la fois d’une fragilisation politique de ses Etats, de l’essoufflement de ses économies et de la poussée de ses extrêmes-droites qui viennent d’amener l’Allemagne à renforcer le contrôle de ses frontières nationales. 

Ce n’est pas la fin de la libre-circulation entre les 25 Etats de l’Union et les 4 Etats limitrophes liés par les Accords Schengen. L’Allemagne n’est au demeurant pas sortie de ces Accords qui autorisent le rétablissement de contrôles temporaire et, en l’occurrence, aléatoires mais comment ne pas voir que la microfissure apparue sur ce mur porteur de l’Union pourrait bientôt s’élargir ? 

Comment de ne pas voir que d’autres pays pourraient suivre l’exemple allemand et que la Pologne a d’ores et déjà le sentiment que l’Allemagne tire un nouveau rideau de fer et la renvoie à l’Est comme si elle ne faisait déjà plus partie de l’Union ? Comment de ne pas voir que cette décision que le chancelier Scholz avait prise, dès le printemps dernier, pour limiter la poussée de ses extrêmes-droites ne les a nullement empêchées de spectaculairement progresser aux élections régionales de ce mois de septembre ? 

La donne allemande en est modifiée et toutes les extrêmes-droites européennes se félicitent aujourd’hui qu’un chancelier social-démocrate ait concouru à enraciner l’idée que toute immigration serait un danger à combattre et qu’il faudrait se refermer pour assurer sa sécurité. 

C’est un succès idéologique majeur que les extrêmes-droites ont ainsi ajouté à leurs succès électoraux alors même qu’à Paris comme à Berlin, les crises en cours les installent dans l’antichambre du pouvoir. Sans plus de majorité parlementaire et lourdement endettée, la France peine à réapprendre l’art des coalitions et à se doter d’un gouvernement qui puisse durer. Privée de gaz russe, l’Allemagne voit quant à elle ses marchés chinois rétrécir et le parapluie américain se refermer. L’Allemagne ne sait plus où donner de la tête et comment rebondir. L’Allemagne est en voie d’autant douter d’elle-même que la France et l’indispensable moteur franco-allemand est ainsi tombé en panne alors même que Mario Draghi presse les 27 et leur Union de se ressaisir au plus vite. 

Si nous ne voulons pas sortir de la compétition internationale, leur a dit son rapport, nous devons réduire nos dépenses courantes et massivement emprunter en commun pour investir ensemble dans la recherche et les industries du futur. Sous peine de passer en deuxième division, martèle-t-il. Les 27 doivent, en clair, faire de l’Union européenne cette union politique que refusent les extrêmes-droites et que les partis traditionnels craignent d’initier de peur que les électeurs ne les désavouent. 

Les frontières allemandes ne sont que la pointe de l’iceberg. 

Le vrai problème, le drame de l’Union européenne, est que ni les finances ni les échiquiers de ses Etats ne leur permettent de lui faire opérer la mue politique sans laquelle l’Europe risquerait de sortir de l’Histoire. Alors même que Trump, la Covid et Poutine ont fait tomber ses tabous sur la Défense commune, les politiques industrielles et même les emprunts communs, l’Union européenne n’est pas en état de transformer l’essai faute de dirigeants et de forces politiques à la hauteur. 

C’est évidemment inquiétant mais est-ce à dire que tout est perdu, que nous soyons d’ores et déjà condamnés à devenir vassaux des Etats-Unis ou de la Chine ? 

Beaucoup le pensent. En leur for intérieur, beaucoup ont déjà renoncé mais il suffirait que nous nous fixions quelques grands objectifs communs pour redresser la barre et que le succès nourrisse le succès. Malgré leurs difficultés, nos Etats pourraient aujourd’hui s’atteler à la constitution d’industries paneuropéennes d’armement, à la création de campus européens d’excellence et à la simplification de nos normes industrielles et agricoles. Personne ne pourrait contester ces objectifs qui donneraient un formidable coup de fouet à l’investissement, à la recherche et à l’affirmation de notre unité. Il s’agit aujourd’hui de faire clair, consensuel et nécessaire – d’agir plutôt que de dire.   

(Photo credit: Leonhard Lenz, WikiMedia Commons)

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