Il s’agissait d’anéantir le Hamas. C’était l’objectif de ces quinze mois de bombardement de Gaza et quel en est le résultat ?
Le Hamas n’est pas mort. Il ne serait plus capable de lancer un nouveau 7 octobre contre Israël mais avec qui Benjamin Netanyahou a-t-il dû négocier la libération des otages ? Avec le Hamas.
Qui vient d’organiser, avec uniformes et drapeaux, en plein Gaza, la remise des premiers groupes d’otages israéliens à la Croix Rouge ? Le Hamas.
Qui avait dicté aux quatre otages libérées samedi leurs mots de remerciements « pour les bons traitements, la nourriture, les vêtements, la boisson et le peuple qui nous a protégées » ? Le Hamas.
Qui avait accroché derrière ces jeunes soldates une affiche proclamant la « victoire du peuple opprimé contre le sionisme nazi » ? Le Hamas.
Qui peut s’enorgueillir de faire sortir de prison 50 prisonniers palestiniens en échange de chaque militaire israélien libéré et trente en échange de chaque civil, soit 200 d’un coup samedi dernier ? Le Hamas.
Qui est ainsi l’interlocuteur de la coalition de droite et d’extrême-droite qui gouverne aujourd’hui Israël ? Le Hamas encore et toujours, ce Mouvement de la résistance islamique dont « Hamas » est l’acronyme et dont quinze mois de bombardements ont fait la plus incontournable des organisations palestiniennes.
Ce ne sont là, dira-t-on, que mises en scène qui ne peuvent faire oublier l’essentiel et c’est vrai. Bien qu’ils n’aient pas anéanti le Hamas, ces mois de bombardements ont permis à Israël de débarrasser le Liban de l’emprise du Hezbollah, de priver le régime iranien de ses relais régionaux et, par ricochets, de libérer la Syrie de sa monstrueuse dictature.
Au détriment de l’axe iranien et au bénéfice d’Israël, tout le paysage proche-oriental en est modifié mais maintenant ?
Le ressentiment et la haine n’ont fait que croître entre deux peuples qui ne renonceront ni l’un ni l’autre à cette terre qu’on dit sainte. Désormais à peu près égaux en nombre, Israéliens et Palestiniens n’ont d’autre perspective que l’éternel recommencement des plages d’apaisement et d’embrasement tandis que l’éventail des solutions possibles reste le même.
La première est que les Palestiniens jettent les Israéliens à la mer puisque ce n’est pas dans les pays limitrophes qu’ils pourraient trouver asile. Ce n’est pas souhaitable et les Palestiniens n’y parviendraient pas avant longtemps.
La deuxième solution serait que les Israéliens expulsent les Palestiniens vers le Liban, l’Egypte et la Jordanie. La droite israélienne en rêve depuis toujours. Donald Trump vient de se rallier à cette idée mais même les bombardements de Gaza et les exactions des colons de Cisjordanie n’ont pas décidé les Palestiniens à s’exiler vers des pays qui de toute manière ne veulent pas d’eux.
Aussi injuste qu’irréalisable, cette solution n’en est pas une et la troisième serait qu’Israël devienne un Etat binational. Cela semble séduisant, humaniste et juste, mais outre que ce serait la fin du foyer national dont 2000 ans de persécutions avaient fait rêver tant de Juifs, on voit mal comment ces deux peuples coexisteraient sous un même drapeau.
Reste donc la coexistence pacifique de deux Etats distincts.
Cette quatrième solution, on n’ose plus la défendre tant elle semble utopique après le pogrom du 7 octobre et ce qu’ont ensuite subi les Gazaouis. Cette utopie est aujourd’hui morte et enterrée, entend-on de partout, mais il n’est pas d’autre moyen de faire cesser cette guerre de 100 ans.
L’utopie doit enfin l’emporter sur la déraison et l’Union européenne y a un intérêt vital car tout aussi proche que l’Afrique et la Russie, le Proche-Orient est à sa porte.
(Bernard Guetta préside l’Intergroupe des 2 Etats au Parlement européen dont il est député.)