L’erreur de Donald Trump

Et si l’on renversait la question ? Si nous cessions un instant de nous demander « que peut faire l’Europe ? » et nous demandions plutôt ce que peut faire Trump après avoir agressé Volodymyr Zelenski dans le bureau ovale.

Pour obliger les Ukrainiens à accepter l’annexion de quelque 20% de leur territoire sans même que les Etats-Unis ne leur offrent de garantie de sécurité, le président américain peut évidemment leur couper toute aide militaire et financière.

Non seulement il menace de le faire mais il l’avait déjà fait lorsqu’il avait enjoint, l’année dernière, la majorité républicaine de la Chambre d’empêcher que l’Ukraine ne reçoive un seul dollar et une seule arme des Etats-Unis. Cela avait duré six mois mais les Ukrainiens avaient tenu bon et les trumpistes avaient dû finir par lever leur blocus.

Soumise à une même pression, l’Ukraine pourrait à nouveau faire face puisqu’elle produit de plus en plus d’armes et que les Européens lui en livreraient en nombre. Là encore, parce qu’elle durerait, la partie ne serait pas gagnée d’avance pour Donald Trump qui pourrait donc choisir d’immédiatement priver les Ukrainiens d’accès au renseignement américain.

C’est son arme absolue. Aide européenne ou pas, héroïsme ou non, les Ukrainiens ne pourraient pratiquement plus parer les frappes russes contre leurs lignes de front, leurs villes et leurs infrastructures. Ils ne pourraient plus longtemps résister mais, au vu du monde, c’est alors le président américain qui aurait assuré au président russe la victoire qu’il était incapable de s’adjuger depuis l’entrée de ses troupes en Ukraine.

En Europe comme en Asie, les alliés des Etats-Unis perdraient le peu de confiance qu’ils leur gardent. La Chine pourrait se dire qu’elle a carte blanche pour envahir Taiwan et imposer ses diktats à ses voisins. Plus rien n’empêcherait la Russie d’annexer l’Ukraine toute entière avant de s’attaquer à la Moldavie et aux Pays baltes. L’Inde, le Brésil, la Turquie et bien d’autres pays se rapprocheraient de l’Europe comme le Canada le fait déjà et ce fiasco diplomatique auquel l’Amérique n’aurait strictement rien à gagner affaiblirait considérablement Trump et ses amis sur leur scène intérieure.

Vendredi, Donald Trump s’est placé dans une impasse et considérablement isolé car Moscou mise à part, aucune capitale n’a approuvé son attitude. L’erreur qu’il a commise là est immense. Son intérêt n’est certainement pas de persister à jouer les supplétifs du Kremlin et il faut tout faire pour lui en faire voir les dangers et retrouver un terrain d’entente entre Américains, Européens et Ukrainiens.

C’est la première des deux tâches de l’Union européenne, du Royaume-Uni, du Canada, de la Norvège, voire même de la Turquie. Comme ils s’y sont résolus dimanche à Londres, les Européens doivent accroître leur aide à l’Ukraine, en assurer la durée, faire des propositions de démarche diplomatique commune à Donald Trump et obtenir ainsi qu’il accepte d’accorder une protection aérienne des Etats-Unis aux troupes que les Européens déploieraient en Ukraine après la signature d’un accord de paix.

Ce n’est pas injouable, certainement pas facile mais possible, et l’Union européenne doit parallèlement accélérer sa marche vers la constitution d’une Défense commune en coordonnant ses productions d’armes et étendant le parapluie nucléaire français à ceux des 27 qui le demanderaient, comme l’Allemagne vient de le faire.

C’est sa seconde tâche et elle ne se fera pas en jour. Il faudra plusieurs années pour que la force de frappe française protège l’Union comme le nucléaire américain protégeait l’ensemble de l’Alliance atlantique. Il faudra aussi plus qu’un claquement de doigts pour constituer des entreprise paneuropéennes d’armement mais Donald Trump, Vladimir Poutine et leurs impérialismes ont maintenant enraciné une volonté politique européenne de se doter d’une Défense commune et de trouver les moyens de la financer.

Le train est parti. Une nouvelle Union européenne s’affirme sous nos yeux et ses 450 millions de citoyens, sa richesse et ses alliés pèseront bientôt assez sur la nouvelle mappemonde pour qu’on ne se demande plus : « Que peut l’Europe ? ».

(Photo: President.gov.ua 2019)

Print Friendly, PDF & Email

English Magyar Română Русский

L’erreur de Donald Trump

Et si l’on renversait la question ? Si nous cessions un instant de nous demander « que peut faire l’Europe ? » et nous demandions plutôt ce que peut faire Trump après avoir agressé Volodymyr Zelenski dans le bureau ovale.

Pour obliger les Ukrainiens à accepter l’annexion de quelque 20% de leur territoire sans même que les Etats-Unis ne leur offrent de garantie de sécurité, le président américain peut évidemment leur couper toute aide militaire et financière.

Non seulement il menace de le faire mais il l’avait déjà fait lorsqu’il avait enjoint, l’année dernière, la majorité républicaine de la Chambre d’empêcher que l’Ukraine ne reçoive un seul dollar et une seule arme des Etats-Unis. Cela avait duré six mois mais les Ukrainiens avaient tenu bon et les trumpistes avaient dû finir par lever leur blocus.

Soumise à une même pression, l’Ukraine pourrait à nouveau faire face puisqu’elle produit de plus en plus d’armes et que les Européens lui en livreraient en nombre. Là encore, parce qu’elle durerait, la partie ne serait pas gagnée d’avance pour Donald Trump qui pourrait donc choisir d’immédiatement priver les Ukrainiens d’accès au renseignement américain.

C’est son arme absolue. Aide européenne ou pas, héroïsme ou non, les Ukrainiens ne pourraient pratiquement plus parer les frappes russes contre leurs lignes de front, leurs villes et leurs infrastructures. Ils ne pourraient plus longtemps résister mais, au vu du monde, c’est alors le président américain qui aurait assuré au président russe la victoire qu’il était incapable de s’adjuger depuis l’entrée de ses troupes en Ukraine.

En Europe comme en Asie, les alliés des Etats-Unis perdraient le peu de confiance qu’ils leur gardent. La Chine pourrait se dire qu’elle a carte blanche pour envahir Taiwan et imposer ses diktats à ses voisins. Plus rien n’empêcherait la Russie d’annexer l’Ukraine toute entière avant de s’attaquer à la Moldavie et aux Pays baltes. L’Inde, le Brésil, la Turquie et bien d’autres pays se rapprocheraient de l’Europe comme le Canada le fait déjà et ce fiasco diplomatique auquel l’Amérique n’aurait strictement rien à gagner affaiblirait considérablement Trump et ses amis sur leur scène intérieure.

Vendredi, Donald Trump s’est placé dans une impasse et considérablement isolé car Moscou mise à part, aucune capitale n’a approuvé son attitude. L’erreur qu’il a commise là est immense. Son intérêt n’est certainement pas de persister à jouer les supplétifs du Kremlin et il faut tout faire pour lui en faire voir les dangers et retrouver un terrain d’entente entre Américains, Européens et Ukrainiens.

C’est la première des deux tâches de l’Union européenne, du Royaume-Uni, du Canada, de la Norvège, voire même de la Turquie. Comme ils s’y sont résolus dimanche à Londres, les Européens doivent accroître leur aide à l’Ukraine, en assurer la durée, faire des propositions de démarche diplomatique commune à Donald Trump et obtenir ainsi qu’il accepte d’accorder une protection aérienne des Etats-Unis aux troupes que les Européens déploieraient en Ukraine après la signature d’un accord de paix.

Ce n’est pas injouable, certainement pas facile mais possible, et l’Union européenne doit parallèlement accélérer sa marche vers la constitution d’une Défense commune en coordonnant ses productions d’armes et étendant le parapluie nucléaire français à ceux des 27 qui le demanderaient, comme l’Allemagne vient de le faire.

C’est sa seconde tâche et elle ne se fera pas en jour. Il faudra plusieurs années pour que la force de frappe française protège l’Union comme le nucléaire américain protégeait l’ensemble de l’Alliance atlantique. Il faudra aussi plus qu’un claquement de doigts pour constituer des entreprise paneuropéennes d’armement mais Donald Trump, Vladimir Poutine et leurs impérialismes ont maintenant enraciné une volonté politique européenne de se doter d’une Défense commune et de trouver les moyens de la financer.

Le train est parti. Une nouvelle Union européenne s’affirme sous nos yeux et ses 450 millions de citoyens, sa richesse et ses alliés pèseront bientôt assez sur la nouvelle mappemonde pour qu’on ne se demande plus : « Que peut l’Europe ? ».

(Photo: President.gov.ua 2019)

Print Friendly, PDF & Email

English Magyar Română Русский

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *