Et reste maintenant trois questions sans réponse. La première est de savoir si cette « Guerre des 12 Jours » aura transformé Donald Trump ou n’aura été pour lui qu’une parenthèse.
Il a enfin durci le ton sur Vladimir Poutine. Il l’a adouci sur l’Alliance atlantique et ses partenaires européens. Il s’est même dit ouvert à la fourniture de boucliers anti-missiles à l’Ukraine. Par instants, comme tous ceux qui l’ont précédé dans l’après-guerre, le plus imprévisible des présidents américains paraît se poser en chef de file des démocraties occidentales mais il doit tenir compte de sa base isolationniste et veut toujours faire plier l’Europe sur les questions commerciales. D’un Trump ou de l’autre, on ne sait pas encore qui l’emportera et l’on ne sait pas plus ce que décidera Benjamin Netanyahou.
Après avoir défait tous les sous-traitants régionaux de l’Iran et remporté une guerre qu’il avait enclenché seul, il peut ou bien choisir de continuer à gouverner avec l’extrême-droite ou bien former une nouvelle coalition avec le centre-droit et la gauche.
Dans la première hypothèse, il poursuit le nettoyage ethnique en cours en Cisjordanie et à Gaza, marche vers l’annexion des territoires occupés, éloigne toute perspective de rapprochement avec l’Arabie saoudite et va sans doute au-devant de sérieuses tensions avec la Maison-Blanche qui rêverait plutôt d’un Proche-Orient apaisé.
En faisant le second choix, il accepterait un cessez-le-feu à Gaza dont il négocierait la gouvernance avec les Palestiniens et les pays arabes, obtiendrait le retour des otages, se donnerait la possibilité de remporter les prochaines élections et finirait par faire oublier l’ampleur des crimes de guerre qu’il s’est autorisés depuis le 7 octobre.
C’est cette hypothèse-là que la logique voudrait qu’il choisisse mais on ne sait pas, pas plus qu’on ne connaît le vrai bilan du bombardement des sites nucléaire iraniens. A entendre Donald Trump, il n’en resterait plus rien. A en croire Ali Khamenei, ses centrifugeuses n’auraient souffert que de quelques piqures de moustique. Tous deux mentent, bien sûr, car le mensonge est une arme de guerre à laquelle il faut recourir pour tromper l’ennemi, faire d’une défaite un simple échec ou d’un succès, une totale victoire.
A la guerre, le mensonge est la règle mais la vérité est, en l’occurrence, que l’Iran dispose toujours des scientifiques qui lui permettraient de se doter de la bombe mais qu’il vient de perdre l’essentiel des moyens qui lui auraient permis de le faire à court ou moyen terme.
La question n’est ainsi pas de savoir qui ment le plus du Président ou du Guide mais ce que sont les rapports de force iraniens créés par ces bombardements et les dynamiques qu’ils ont ouvertes.
Pour l’heure, le pouvoir arrête à tour de bras de supposés espions, torture et exécute. Dans tout le pays, le climat s’est brutalement alourdi mais cette dictature ne pourra plus consacrer ses forces à imposer le voile à des femmes qui le rejettent massivement depuis que ses miliciens ont assassiné, il y a trois ans, une jeune fille dont une mèche était trop visible. Plus que jamais, la théocratie va devoir composer avec cette écrasante majorité du pays que constituent les femmes et les jeunes générations et, parallèlement, elle devra tenter de substituer le nationalisme à la religion comme ciment de l’unité iranienne.
L’impératif ne sera plus de sauver un régime mais d’empêcher qu’il ne soit emporté par l’effondrement du pays. La priorité ne sera plus la bigoterie mais la lutte contre l’inflation et la quête de nouveaux alliés maintenant que l’Iran ne peut plus s’appuyer ni sur ses anciens relais syrien, libanais et palestinien ni sur la Russie qui l’a abandonné en rase campagne.
Parce qu’ils ont laissé voir les faiblesses de ce régime, les coups portés au programme nucléaire devraient ainsi précipiter une évolution vers plus de pragmatisme. La démocratie n’est pas au coin de la rue. La répression ne cessera pas de sitôt mais au sein même du régime puis dans les universités, les régions et l’ensemble de la société, des débats peuvent s’ouvrir et créer petit à petit des espaces de liberté dessinant progressivement un tout autre Iran que celui de l’ayatollah Khamenei, Guide suprême mais âgé, malade et désormais très isolé.
En cessant les tueries de Gaza et tendant la main aux Palestiniens, Benjamin Netanyahou pourrait tout à la fois faire accepter l’existence d’Israël à tout le Proche-Orient et empêcher l’Iran de se réaffirmer en pôle de radicalité régional. En proposant publiquement un compromis global aux dirigeants iraniens, Donald Trump pourrait, lui, contraindre leur régime à renoncer à la bombe et à l’exportation de la révolution islamique et, par-là même, à changer de nature. La Guerre des 12 Jours offre à ses vainqueurs tous les moyens d’œuvrer à une paix durable et à un complet changement de donne mais le veulent-ils et le sauraient-ils ?
C’est la quatrième question, elle aussi sans réponse.
( Photo : Wikimedia Commons )