Défendre la Palestine, c’est défendre Israël

Tribune publiée dans Libération le 16 septembre 2016.

Ce qu’il vise est, d’abord, l’affirmation de l’Europe sur la scène internationale. Dans sa bataille pour la reconnaissance de la Palestine, le premier objectif d’Emmanuel Macron est de contrer l’idée que les Européens ne respecteraient pas en Terre sainte le droit international qu’ils défendent en Ukraine, que leurs principes seraient à géométrie variable et que leur appui à Benjamin Netanyahou ne serait pas moins grand que celui de Donald Trump.

C’est cela qu’il avait en tête la semaine dernière lorsque la France et l’Arabie saoudite ont fait adopter par l’Assemblée générale de l’Onu leur déclaration commune en faveur de la solution à deux Etats. C’est à cela qu’il pensera la semaine prochaine en annonçant que la France reconnait la Palestine car, face à Vladimir Poutine et à l’éloignement des Etats-Unis, il faut à l’Europe des amis et des alliés.

L’Europe ne peut pas se permettre de laisser les investissements chinois et la propagande russe installer l’Afrique, l’Amérique latine et des pans entiers de l’Asie dans une hostilité à l’Occident vu comme un tout. Il lui faut se démarquer de la Maison-Blanche en se joignant au refus croissant de permettre à l’extrême-droite israélienne de poursuivre l’anéantissement de Gaza et la colonisation de la Cisjordanie.

Suivi par beaucoup des capitales de l’Union et par les députés européens qui viennent d’appeler à leur tour à la reconnaissance de la Palestine, Emmanuel Macron est tout simplement mu par une nouvelle Raison d’Etat, celle de l’Europe, mais ce n’est pas tout.

Ce jeune président appartient à la dernière génération que le génocide des Juifs d’Europe ait marquée. Cet homme est tout sauf indifférent à la dette morale créée par la Shoah et c’est aussi parce qu’il est profondément attaché à Israël qu’il veut contribuer à sa coexistence avec un Etat palestinien.

Comme une moitié des Israéliens et une grande partie des Juifs d’Europe et d’Amérique, Emmanuel Macron considère que ce n’est qu’en rendant justice aux Palestiniens qu’Israël peut assurer sa survie à long terme. Tout autant que les Juifs, les Palestiniens ont droit à un Etat. Israël doit aujourd’hui accepter le partage que les Palestiniens et les Etats arabes avaient eu le tort de refuser en 1947.

Frontières, économie, sécurité, tout est à négocier mais ce qui ne l’est pas, ce qui ne l’est pas plus que l’existence d’Israël, est la reconnaissance internationale de la Palestine, incontournable point de départ de la coexistence à venir.

Emmanuel Macron ne dit rien d’autre que cette évidence et lorsque Benjamin Netanyahou lui répond que la reconnaissance de la Palestine ne ferait que renforcer le Hamas, il oublie deux choses. L’une est que la coexistence de deux Etats signerait la défaite historique de ces fanatiques qui ne veulent pas de deux Etats puisqu’ils veulent détruire Israël.

L’autre est qu’il n’y a pas d’autre solution pour Israël que la solution à deux Etats car, sans Palestine, que deviennent les Palestiniens ?

Même au prix de crimes de guerre quotidiens, Israël ne peut pas les exterminer.

Israël ne peut pas non plus les expulser car aucun pays ne voudrait les accepter, pas même à leur demande.

Israël ne peut pas les installer dans des réserves car c’est ce qui avait conduit à la tuerie du 7 octobre et Israël ne peut pas non plus leur proposer la citoyenneté israélienne car ils seraient vite assez nombreux pour faire des Juifs une minorité.

L’apartheid, alors ?

Ce serait, pour Israël, le plus sûr moyen de se suicider et plutôt que de l’injurier matin, midi et soir, Benjamin Netanyahou devrait remercier Emmanuel Macron de défendre Israël en défendant l’Europe et la Palestine.

Photo : ©United Nations

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Défendre la Palestine, c’est défendre Israël

Tribune publiée dans Libération le 16 septembre 2016.

Ce qu’il vise est, d’abord, l’affirmation de l’Europe sur la scène internationale. Dans sa bataille pour la reconnaissance de la Palestine, le premier objectif d’Emmanuel Macron est de contrer l’idée que les Européens ne respecteraient pas en Terre sainte le droit international qu’ils défendent en Ukraine, que leurs principes seraient à géométrie variable et que leur appui à Benjamin Netanyahou ne serait pas moins grand que celui de Donald Trump.

C’est cela qu’il avait en tête la semaine dernière lorsque la France et l’Arabie saoudite ont fait adopter par l’Assemblée générale de l’Onu leur déclaration commune en faveur de la solution à deux Etats. C’est à cela qu’il pensera la semaine prochaine en annonçant que la France reconnait la Palestine car, face à Vladimir Poutine et à l’éloignement des Etats-Unis, il faut à l’Europe des amis et des alliés.

L’Europe ne peut pas se permettre de laisser les investissements chinois et la propagande russe installer l’Afrique, l’Amérique latine et des pans entiers de l’Asie dans une hostilité à l’Occident vu comme un tout. Il lui faut se démarquer de la Maison-Blanche en se joignant au refus croissant de permettre à l’extrême-droite israélienne de poursuivre l’anéantissement de Gaza et la colonisation de la Cisjordanie.

Suivi par beaucoup des capitales de l’Union et par les députés européens qui viennent d’appeler à leur tour à la reconnaissance de la Palestine, Emmanuel Macron est tout simplement mu par une nouvelle Raison d’Etat, celle de l’Europe, mais ce n’est pas tout.

Ce jeune président appartient à la dernière génération que le génocide des Juifs d’Europe ait marquée. Cet homme est tout sauf indifférent à la dette morale créée par la Shoah et c’est aussi parce qu’il est profondément attaché à Israël qu’il veut contribuer à sa coexistence avec un Etat palestinien.

Comme une moitié des Israéliens et une grande partie des Juifs d’Europe et d’Amérique, Emmanuel Macron considère que ce n’est qu’en rendant justice aux Palestiniens qu’Israël peut assurer sa survie à long terme. Tout autant que les Juifs, les Palestiniens ont droit à un Etat. Israël doit aujourd’hui accepter le partage que les Palestiniens et les Etats arabes avaient eu le tort de refuser en 1947.

Frontières, économie, sécurité, tout est à négocier mais ce qui ne l’est pas, ce qui ne l’est pas plus que l’existence d’Israël, est la reconnaissance internationale de la Palestine, incontournable point de départ de la coexistence à venir.

Emmanuel Macron ne dit rien d’autre que cette évidence et lorsque Benjamin Netanyahou lui répond que la reconnaissance de la Palestine ne ferait que renforcer le Hamas, il oublie deux choses. L’une est que la coexistence de deux Etats signerait la défaite historique de ces fanatiques qui ne veulent pas de deux Etats puisqu’ils veulent détruire Israël.

L’autre est qu’il n’y a pas d’autre solution pour Israël que la solution à deux Etats car, sans Palestine, que deviennent les Palestiniens ?

Même au prix de crimes de guerre quotidiens, Israël ne peut pas les exterminer.

Israël ne peut pas non plus les expulser car aucun pays ne voudrait les accepter, pas même à leur demande.

Israël ne peut pas les installer dans des réserves car c’est ce qui avait conduit à la tuerie du 7 octobre et Israël ne peut pas non plus leur proposer la citoyenneté israélienne car ils seraient vite assez nombreux pour faire des Juifs une minorité.

L’apartheid, alors ?

Ce serait, pour Israël, le plus sûr moyen de se suicider et plutôt que de l’injurier matin, midi et soir, Benjamin Netanyahou devrait remercier Emmanuel Macron de défendre Israël en défendant l’Europe et la Palestine.

Photo : ©United Nations

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