L’Europe est déjà bien plus qu’un marché

Qu’en penser d’autre ? Lorsqu’on voit qu’on en est encore à débattre de savoir s’il faut ou non abattre les avions russes qui pénètrent notre espace aérien, lorsqu’un sommet européen s’achève sans qu’un clair avertissement n’ait été lancé à Moscou et qu’aucune parole forte n’ait été prononcée, comment ne pas se dire que nous sommes décidément bien trop divisés et pusillanimes pour nous défendre ?

Comment ne pas s’en alarmer alors que ces incursions visent à tester nos réactions, que Vladimir Poutine passera immanquablement au cran supérieur si nous le laissons faire et qu’il finira ainsi par nous contraindre à une riposte si forte que, sauf à piteusement reculer, il pourrait alors nous précipiter, nous et lui, dans l’engrenage d’un vrai conflit ?

Avant que notre passivité ne l’enivre, c’est maintenant qu’il faut donner un coup d’arrêt aux provocations du président russe et cela demande trois choses.

La première est de ne plus seulement laisser entendre que nous pourrions tirer mais de publiquement déclarer qu’ordre est donné aux flottes nationales et à celle de l’Otan de faire feu sur tout avion de combat russe violant nos espaces aériens. Dûment prévenu, Vladimir Poutine aurait à prendre ses responsabilités et ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même d’avoir ignoré nos avertissements.

La deuxième chose à faire est de systématiquement dénoncer tous les actes de guerre hybride imputables à la Russie, de le faire par la voix de nos armées puisqu’il s’agit d’actes de guerre et d’annoncer, dans le même temps, que nous rendrons désormais coup pour coup. Non seulement il ne faut plus laisser au Kremlin le monopole des provocations politiques, disséminations de fausses nouvelles et perturbations des réseaux informatiques mais il faut faire savoir que nous sommes à même d’y répondre, avec tout autant de force.

Cela donnerait à réfléchir au Kremlin. Cela permettrait aussi aux citoyens européens de prendre conscience du fait que si nous ne sommes pas en guerre, nous ne sommes plus en paix et puis nous avons, troisièmement, à ne plus nous sous-estimer.

Nous n’avons pas de Défense commune et n’en aurons pas avant plusieurs années car on ne revient pas en un jour sur des décennies de confiance aveugle en la protection américaine. Certains des Etats de l’Union ne prennent pas assez au sérieux l’agressivité de Vladimir Poutine. D’autres restent hostiles à l’affirmation politique de l’Union et s’emploient à la freiner mais les 27, Hongrie comprise, sont tous favorables à la constitution d’une Défense européenne.

Nous avons débloqué des budgets communs à cet effet. Totalement insuffisants, ils ne sont pour autant pas négligeables. Chacun des Etats membres augmente parallèlement ses propres dépenses militaires. Nous avons entamé la coproduction de drones avec l’Ukraine et jeté par-là les bases d’industries paneuropéennes d’armements. Sur les questions de Défense, le rapprochement entre l’Union et le Royaume-Uni est absolument spectaculaire. Les démocraties européennes disposent désormais, de fait, d’un quatuor de pilotage militaire français, britannique, allemand et polonais. La France envisage d’étendre sa protection nucléaire à d’autres pays de l’Union dont l’Allemagne et la Pologne.

Du propre aveu du Kremlin, l’économie russe marque le pas et les sanctions occidentales y contribuent largement. Donald Trump table nettement moins sur une entente avec Moscou depuis que Vladimir Poutine a refusé tout compromis avec Kiev et que les liens sino-russes se sont resserrés. Et puis enfin, si décevant qu’il ait été, le sommet de Copenhague s’est tenu sous protection d’un dispositif militaire européen sans précédent et parfaitement bien orchestré.

L’Europe est déjà bien plus qu’un marché commun.

Photo : Rafael Minguet Delgado @Pexels

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L’Europe est déjà bien plus qu’un marché

Qu’en penser d’autre ? Lorsqu’on voit qu’on en est encore à débattre de savoir s’il faut ou non abattre les avions russes qui pénètrent notre espace aérien, lorsqu’un sommet européen s’achève sans qu’un clair avertissement n’ait été lancé à Moscou et qu’aucune parole forte n’ait été prononcée, comment ne pas se dire que nous sommes décidément bien trop divisés et pusillanimes pour nous défendre ?

Comment ne pas s’en alarmer alors que ces incursions visent à tester nos réactions, que Vladimir Poutine passera immanquablement au cran supérieur si nous le laissons faire et qu’il finira ainsi par nous contraindre à une riposte si forte que, sauf à piteusement reculer, il pourrait alors nous précipiter, nous et lui, dans l’engrenage d’un vrai conflit ?

Avant que notre passivité ne l’enivre, c’est maintenant qu’il faut donner un coup d’arrêt aux provocations du président russe et cela demande trois choses.

La première est de ne plus seulement laisser entendre que nous pourrions tirer mais de publiquement déclarer qu’ordre est donné aux flottes nationales et à celle de l’Otan de faire feu sur tout avion de combat russe violant nos espaces aériens. Dûment prévenu, Vladimir Poutine aurait à prendre ses responsabilités et ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même d’avoir ignoré nos avertissements.

La deuxième chose à faire est de systématiquement dénoncer tous les actes de guerre hybride imputables à la Russie, de le faire par la voix de nos armées puisqu’il s’agit d’actes de guerre et d’annoncer, dans le même temps, que nous rendrons désormais coup pour coup. Non seulement il ne faut plus laisser au Kremlin le monopole des provocations politiques, disséminations de fausses nouvelles et perturbations des réseaux informatiques mais il faut faire savoir que nous sommes à même d’y répondre, avec tout autant de force.

Cela donnerait à réfléchir au Kremlin. Cela permettrait aussi aux citoyens européens de prendre conscience du fait que si nous ne sommes pas en guerre, nous ne sommes plus en paix et puis nous avons, troisièmement, à ne plus nous sous-estimer.

Nous n’avons pas de Défense commune et n’en aurons pas avant plusieurs années car on ne revient pas en un jour sur des décennies de confiance aveugle en la protection américaine. Certains des Etats de l’Union ne prennent pas assez au sérieux l’agressivité de Vladimir Poutine. D’autres restent hostiles à l’affirmation politique de l’Union et s’emploient à la freiner mais les 27, Hongrie comprise, sont tous favorables à la constitution d’une Défense européenne.

Nous avons débloqué des budgets communs à cet effet. Totalement insuffisants, ils ne sont pour autant pas négligeables. Chacun des Etats membres augmente parallèlement ses propres dépenses militaires. Nous avons entamé la coproduction de drones avec l’Ukraine et jeté par-là les bases d’industries paneuropéennes d’armements. Sur les questions de Défense, le rapprochement entre l’Union et le Royaume-Uni est absolument spectaculaire. Les démocraties européennes disposent désormais, de fait, d’un quatuor de pilotage militaire français, britannique, allemand et polonais. La France envisage d’étendre sa protection nucléaire à d’autres pays de l’Union dont l’Allemagne et la Pologne.

Du propre aveu du Kremlin, l’économie russe marque le pas et les sanctions occidentales y contribuent largement. Donald Trump table nettement moins sur une entente avec Moscou depuis que Vladimir Poutine a refusé tout compromis avec Kiev et que les liens sino-russes se sont resserrés. Et puis enfin, si décevant qu’il ait été, le sommet de Copenhague s’est tenu sous protection d’un dispositif militaire européen sans précédent et parfaitement bien orchestré.

L’Europe est déjà bien plus qu’un marché commun.

Photo : Rafael Minguet Delgado @Pexels

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