Tribune publiée dans Libération le 24 novembre 2025.
Ce « plan de paix » américain nous appelle, nous les Européens, à renoncer à l’idée que les Etats-Unis seraient toujours nos alliés et à nous doter d’une direction politique qui ne soit pas limitée à l’Union.
Les faits, d’abord.
Donald Trump préfère les dictatures aux démocraties et la preuve en est qu’il a volé au secours de la Russie au moment même où son économie commence à souffrir de la guerre et qu’il avait voulu tordre le bras à l’Ukraine à l’instant précis où elle est affaiblie par une retentissante affaire de corruption.
Il préfère l’agresseur à l’agressé et la preuve en est que son plan ne demandait pas l’ombre d’une concession à Vladimir Poutine mais exigeait de Volodymyr Zelensky qu’il abandonne des territoires occupés par la Russie et lui en cède d’autres, qu’il réduise d’un tiers ses effectifs militaires, s’engage à ne pas rejoindre l’Otan et à ne pas même s’associer à la Défense commune quand l’Union européenne lui ouvrira ses portes.
Donald Trump ne veut pas assurer une paix durable en Europe mais s’entendre avec Vladimir Poutine et la preuve en est qu’il avait voulu laisser l’Ukraine sans défense face à une Russie dont les positions se seraient renforcées.
Il joue, en un mot, la Fédération de Russie contre l’Union européenne et la preuve en est que c’est dans le dos de ses alliés européens qu’il était allé négocier avec le Kremlin un accord qui les auraient affaiblis avant de bien vite les menacer.
Que Donald Trump soit tenu par les services russes, mû par une connivence idéologique avec Vladimir Poutine ou par la volonté de s’attaquer au concurrent économique qu’est l’Union n’importe ainsi plus guère.
Pour Donald Trump, nous ne sommes plus des alliés des Etats-Unis mais des adversaires à diviser et marginaliser. Face à l’impérialisme de Vladimir Poutine, nous ne pouvons pas compter sur l’Amérique et la première conséquence à en tirer est qu’il faut cesser de nous sous-estimer.
La liste de nos faiblesses est longue mais, forte d’un niveau de formation sans pareil, de ses libertés et d’un marché de 450 millions d’habitants, l’Union européenne est plus que jamais un pôle d’attraction. Non seulement beaucoup de pays souhaitent en devenir membres mais le Grande-Bretagne, la Norvège, le Canada, le Japon, l’Australie et bien d’autres encore s’en rapprochent toujours plus, face à Trump, à Poutine, à Xi ou aux trois.
Nous avons à serrer les rangs avec les pays candidats et à organiser une Entente démocratique avec ceux qui nous sont proches ; à nous affirmer en puissance politique sur la scène internationale ; à accélérer notre réarmement et à utiliser les avoirs russes pour armer l’Ukraine. Pour ce qui n’était qu’un marché commun, la tâche est vertigineuse mais nous nous armons et armons l’Ukraine, apprenons à parler d’une même voix et avons déjà organisé, sous pilotage franco-britannique, un front commun des démocraties qui entendent le rester, la Coalition des volontaires.
Tout cela est bien trop lent, affreusement et dangereusement insuffisant, mais nous relevons assez le défi pour que les Etats de l’Union et leurs partenaires politiques aient immédiatement su trouver une parade commune à ce plan américain d’inspiration russe.
Il est bien de vouloir faire taire les armes, ont-ils dit à l’unisson, mais… Mais tout reste à étudier avec les Ukrainiens et nous-mêmes et notamment les garanties de sécurité que les Etats-Unis seraient prêts à donner à une Ukraine que leur plan aurait désarmée.
Les Européens et leurs partenaires ont su conduire la Maison-Blanche à accepter des discussions puis d’importantes concessions. Nous avons largement contribué, nous les Européens, à renverser la vapeur mais ne nous faisons pas d’illusions. Les institutions européennes ont été conçues pour le commerce et non pas pour la guerre. Un jour peut-être l’Union deviendra-t-elle les Etats-Unis d’Europe mais on n’y est pas et, en attendant, il faut une direction politique aux démocraties européennes et à leurs alliés.
Ce ne peut-être ni la Commission, institution nommée et non pas élue, ni le Conseil européen handicapé, lui, par l’exigence d’unanimité. Cette direction politique peut d’autant moins être une institution de l’Union qu’elle doit comprendre des Etats qui n’y appartiennent pas. Elle devrait donc être constituée par les dirigeants allemand, britannique, français, italien et polonais, par un G 5 dont Londres, Paris et Berlin, seraient les organisateurs. C’est ce qui se cherche et se fait déjà. Il faut maintenant le dire et le formaliser.
Photo : ©Union européenne, 2025

