Il y a un espoir en Ukraine mais il est unique et fragile

 Il n’y a qu’un seul espoir de voir cesser cette guerre avant qu’elle n’embrase l’Europe et le monde. Il est que Vladimir Poutine décrète un cessez-le-feu après s’être proclamé victorieux mais peut-on y croire ?

Disons en tout cas que ce n’est plus inenvisageable car la concentration de ses forces sur le seul Donbass pourrait être en train de lui assurer le contrôle de cette région qu’il a beaucoup plus souvent désignée comme son objectif de guerre que la soumission de l’Ukraine entière. Si le président russe décidait demain de limiter ses ambitions à ces deux grands oblasts et à ce qu’il s’est déjà adjugé, il n’aurait pas à se déjuger et à perdre la face mais ne nous leurrons pas. Ayant conquis le Donbass, il pourrait tout aussi bien se dire que le sort des armes lui est maintenant favorable et que la route de Kiev lui est rouverte.

Cette tentation serait même si forte que c’est la raison pour laquelle les Démocraties doivent accélérer et augmenter leurs livraisons de chars, de munitions et de moyens anti-aériens à l’Ukraine.

Il ne faut pas que Vladimir Poutine puisse nourrir le moindre doute sur la détermination des Occidentaux à ne pas le laisser absorber l’Ukraine. Il faut surtout que ses militaires et ses proches puissent lui faire valoir que le Donbass conquis, il serait temps de penser à cesser le feu parce que son armée commence à manquer d’hommes ; que les familles russes admettraient mal qu’il décrète une mobilisation générale ; que l’Ukraine est désormais dotée des plus modernes des armes ; que l’Allemagne sera parvenue sous moins d’un an à se trouver d’autres fournisseurs de gaz que la Russie ; que les sanctions économiques occidentales vont se renforcer ; qu’un développement des échanges avec la Chine ne pourra pas leur faire contrepoids avant longtemps et que l’intérêt de la Russie n’est au demeurant pas de se mettre dans la main de M. Xi.

Rien n’est certain, rien joué mais, une fois que le niveau d’armement de l’Ukraine aura de quoi lui donner à réfléchir et qu’il pourrait se targuer d’avoir sauvé le Donbass du « nazisme », comme il dit, Vladimir Poutine pourrait en arriver, oui, à envisager un cessez-le-feu. Il le pourrait même d’autant plus facilement que rien ne l’empêcherait de considérer qu’il pourrait repartir en guerre à la première occasion et qu’un cessez-le-feu proclamé par la Russie pourrait, en attendant, semer la division entre les alliés de l’Ukraine et entre les Ukrainiens eux-mêmes.

Il ne serait en effet pas impossible que beaucoup des Ukrainiens veuillent alors continuer le combat jusqu’au retour de leur pays à ses frontières internationales. Certaines des grandes Démocraties voudraient, pour leur part, réduire les livraisons d’armes en gage de bonne volonté vis-à-vis de Moscou tandis que d’autres voudraient décourager toute poursuite de la guerre mais continuer à armer l’Ukraine.

Un cessez-le-feu offrirait autrement dit tant d’avantages militaires et politiques à Vladimir Poutine qu’il serait difficilement concevable qu’il ne fasse pas partie de ses hypothèses de travail mais, dans ces conditions, pourquoi faudrait-il voir là un espoir ?

En Ukraine comme en Grande-Bretagne, en Pologne et dans les Pays baltes, il ne manque pas de gens pour se le demander et dire haut et fort qu’un cessez-le-feu ne serait aujourd’hui qu’un moyen pour le président russe de reprendre son souffle avant de relancer son offensive. Sans être le moins du monde belliciste, on peut même considérer que seule une cinglante défaite de Vladimir Poutine permettrait à la Russie de sortir de la dictature et d’entrer dans ce siècle en rompant avec le revanchisme impérial du Kremlin mais imaginons, car cela n’a évidemment rien d’impossible, que la Russie ne propose pas de cessez-le-feu.

L’Ukraine ne pourrait pas non plus en proposer un puisqu’étant l’agressée cela reviendrait pour elle à capituler. La guerre se poursuivrait pour longtemps et, sans même parler des nouveaux cortèges de mort et de destruction qui s’ensuivraient, ce conflit en viendrait inexorablement à s’internationaliser. Non seulement il déstabiliserait l’Afrique et le Proche-Orient en y semant la famine mais il placerait toujours plus la Russie et l’Alliance atlantique dans un face-à-face direct qu’elles avaient toujours su éviter durant la Guerre froide tant ses dangers sont grands.

Il n’y aurait rien là de souhaitable. Tout n’est là que glissement vers l’abîme mais voyons, à l’inverse, ce qui pourrait se passer si Vladimir Poutine annonçait un cessez-le-feu le long des frontières administratives du Donbass.

Qu’il annexe cette région ou confirme en reconnaître l’indépendance, il devrait alors la prendre en charge. Il devrait en assurer non pas même la prospérité mais le bien-être alors qu’elle n’est faite que d’industries en ruines, qu’elle est aujourd’hui essentiellement peuplée de retraités âgés dont il faut payer les pensions et qu’extrêmement jeune, à l’inverse, très bien formée et dynamique, l’Ukraine restée ukrainienne bénéficiera très rapidement de son intégration au marché unique européen et d’aides massives de ses alliés occidentaux.

Aux lendemains d’un cessez-le-feu, Vladimir Poutine pourrait se préparer, c’est vrai, à une nouvelle offensive mais l’Ukraine qu’on commencerait à appeler l’Ukraine de l’Ouest et qui renouerait vite avec son lointain passé de puissance européenne serait en position de lancer au Kremlin le défi d’une démocratie prospère, jeune et libre, d’une liberté et d’une européanité à laquelle aspirent si fortement les nouvelles classes moyennes des grandes villes russes.

Aux lendemains d’un cessez-le-feu, Vladimir Poutine serait certes sorti de l’impasse dans laquelle il s’enferme pour l’heure. Il aurait certes trouvé là la porte de sortie dont il a tant besoin mais l’Ukraine aurait, elle, échappé à sa destruction et serait en position d’assurer sa victoire non pas par la guerre mais par la paix.

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