Il n’y a pas de véritable division Est-Ouest, selon le député européen Bernard Guetta.
Interview publiée en hongrois dans le journal Magyar Nemzet et sur magyarnemzet.hu le 4 décembre 2019, par Tamara Judi.
Il est rare, même parmi les députés européens hongrois, de tenir en langue hongroise, et au nom de la transparence, un blog sur les activités de l’Union. L’eurodéputé français du groupe libéral, Bernard Guetta, alimente cependant de ses articles un site web en hongrois, polonais, allemand, anglais et bien sûr en français ; il ne veut pas entendre parler d’un clivage Est-Ouest, et affirme aussi que l’Union européenne a la capacité de préserver son unité. M. Guetta – demi-frère du célèbre DJ David Guetta – évoque dans nos colonnes la relation entre Viktor Orbán et Emmanuel Macron, et le sommet de l’OTAN qui se tient actuellement.
« Oh, c’est une très vieille histoire ! » – commence-t-il quand je lui parle de sa première visite en Hongrie. Alors journaliste, il s’était rendu dans notre pays à l’occasion du 20e anniversaire de la révolution de 1956, en 1976, et il y est revenu depuis, à plusieurs reprises : « J’aime votre pays et la cuisine hongroise aussi. » Le député européen, élu sur la liste d’Emmanuel Macron, se situe idéologiquement au centre-gauche, et est moins attaché au Premier ministre Viktor Orbán, qu’il tient pour un homme politique cynique, qu’à la gastronomie de notre pays.
« Sa politique européenne est à mes yeux contradictoire » – explique ce député de 68 ans, en émettant l’hypothèse qu’un chef d’Etat qui défend une politique de défense commune ne peut évidemment pas rejeter une union politique, car les deux vont de pair. Il sourit à l’hypothèse que si on suit cette logique, le président Emmanuel Macron peut aussi être pris au jeu des contradictions, car il s’auto-proclame grand réformateur de l’Union européenne, mais se prononce contre l’élargissement. « Je ne suis pas d’accord ! » – insiste Bernard Guetta.
Viendra ensuite l’évocation de la relation entre Viktor Orbán et Emmanuel Macron. La semaine dernière, Manfred Weber, le leader du groupe parlementaire du Parti populaire européen s’interrogeait publiquement sur la question suivante : comment se fait-il que les dirigeants hongrois et français s’entendent si bien, alors que les élections européennes de mai ont été placées sous le signe d’un choix clivant entre l’Europe d’Orbán et celle de Macron ?
Bernard Guetta répond à ce questionnement weberien : « la situation est beaucoup plus complexe que ça. » Selon lui, bien qu’Orbán et Macron représentent deux points de vue diamétralement opposés sur la question du libéralisme et de l’illibéralisme, un certain nombre de problématiques européennes – par exemple la politique de défense commune – les lient. « Et je sais que le président Macron tient M. Orbán pour l’un des dirigeants européens les plus intelligents, si ce n’est le plus intelligent » – ajoute-t-il, ajoutant qu’il y a une « chimie » entre les deux hommes, politiquement parlant.
« Et je sais que le président Macron tient M. Orbán pour l’un des dirigeants européens les plus intelligents, si ce n’est le plus intelligent » – ajoute-t-il, ajoutant qu’il y a une « chimie » entre les deux hommes, politiquement parlant.
Il poursuit à propos du Premier ministre hongrois en disant que Viktor Orbán est tout à fait conscient du fait que les États-Unis, sous la direction de Donald Trump, ne sont plus un allié solide de l’Europe et que l’OTAN doit se doter d’un socle européen plus consistant. « Parce que cela représente un investissement trop lourd pour un seul Etat membre, c’est tous ensemble que nous devons nous occuper de notre défense – explique-t-il. – Bien sûr, ce serait formidable si les Etats-Unis et l’Europe réformaient ensemble l’OTAN » – poursuit-il, soulignant que la suite dépendra de la réélection ou non de Donald Trump.
« Je ne suis pas trop optimiste non plus » – répond-il quand je l’interroge sur l’opinion controversée du président français selon laquelle » l’OTAN est en mort cérébrale « . Alors qu’il pense que le destin du bloc militaire est quelque peu brouillé, Bernard Guetta est beaucoup plus optimiste quant à l’avenir de l’Union européenne.
« L’Europe préservera certainement son unité. Parce que je ne pense pas qu’il y ait un véritable clivage Est-Ouest ; on trouve les mêmes clivages dans tous les Etats membres » – souligne le député de centre-gauche, puis il remarque : avec le temps, même l’opinion de Viktor Orbán peut changer, et sur plusieurs questions européennes.
L’enquête hongroise
L’enquête hongroise de Bernard Guetta a été publiée au printemps dernier. Dans cet ouvrage, il analyse l’évolution politique de l’Autriche, de l’Italie et de la Pologne, et établit un parallèle entre les pôles de droite – dans le cas de l’Italie, anciennement gouvernée à droite -. L’eurodéputé part du postulat d’une constance dans la façon dont cette partie de l’Europe, principalement les anciens territoires de l’Empire austro-hongrois, a tourné le dos au libéralisme. Que ce soit leur position sur l’immigration, les droits des homosexuels ou l’Union politique, il pense que ces Etats membres partagent des vues similaires.