C’est un pur hasard. N’y cherchez pas d’explication mais à Paris, Alger, Londres et Paris encore, c’est le destin de l’Europe qui se joue cette semaine, en quatre parties sur quatre fronts essentiels.

Attendus à Paris ce lundi par Emmanuel Macron et Angela Merkel, les présidents russe et ukrainien n’avaient pas entre leurs mains que le sort de centaines de détenus et l’arrêt des combats en Ukraine orientale. Un éventuel accord entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine sur un complet échange de prisonniers et un cessez-le-feu dans le Donbass ouvrirait en effet la voie à la recherche non pas seulement d’une paix durable entre leurs deux pays mais aussi d’un traité de sécurité et de coopération entre l’Union européenne et la Fédération de Russie.

Tout en serait changé sur le continent Europe et imaginons maintenant que, jeudi, le boycott de la présidentielle algérienne soit aussi massif que prévu et que l’état-major sache enfin conclure de ce désaveu qu’est venu le temps d’un vrai changement. Outre le bonheur d’un peuple en lutte pour l’état de droit et la démocratie, l’argent du gaz et du pétrole pourrait être investi dans l’économie nationale et l’emploi plutôt que sur des comptes off-shore, la jeunesse algérienne aurait d’autres perspectives que le chômage ou l’émigration, l’indispensable projet d’Union du Maghreb arabe pourrait reprendre vie et l’Afrique du Nord pourrait alors apporter une contribution majeure au développement de l’Afrique subsaharienne et au codéveloppement des continents européen et africain.

Du Maghreb au Machrek, tout en serait changé sur les pourtours de ce lac intérieur qu’est la Méditerranée et imaginons en troisième lieu que Boris Johnson n’obtienne pas, ce même jeudi, de majorité aux Communes. Ce serait la défaite des brexiters. Un nouveau référendum pourrait s’imposer et le Brexit n’aurait plus rien d’inévitable.

Le visage de l’Union en serait modifié mais imaginons, en quatrième lieu, que l’ampleur des mouvements de protestation se soit entretemps accrue en France et que l’autorité d’Emmanuel Macron en soit ébranlée. Il n’y aurait alors plus de stabilité politique dans une seule des grandes capitales européennes, pas plus à Berlin qu’à Londres, Madrid, Rome ou Paris et cela ne présagerait rien de bon pour personne.

Percées décisives ou blocages inquiétants, le champ des possibles est largement ouvert sur ces quatre fronts mais reprenons, point par point.

En France, la difficulté est d’autant plus grande pour Emmanuel Macron que ce n’est pas seulement la question des retraites qui mobilise grévistes et manifestants. Bien au-delà de ce projet de réformes, une formidable colère gronde en France parce ce président « et de gauche et de droite » apparait, à tort mais c’est ainsi, comme le « président des plus riches », que les salaires sont bloqués depuis trop longtemps et que les corps intermédiaires, syndicats et partis, sont trop affaiblis pour canaliser cette colère et formuler des revendications négociables.

C’est la tête de ce président qu’une grande partie des Français voudrait faire tomber mais c’est précisément cela qui donne une marge de manœuvre à Emmanuel Macron car c’est lui ou le chaos, une paralysie que peu de gens souhaitent en fait et pas plus à gauche qu’à droite. S’il surmonte cette épreuve, le président français peut être réélu dans deux ans et devenir le père refondateur dont l’Union aurait tant besoin.

En Grande-Bretagne, rien n’est non plus joué. L’avance des conservateurs  parait régulièrement diminuer à l’approche du vote tandis que l’idée du TSJ, Tout sauf Johnson, semble séduire de plus en plus d’électeurs de tous les courants hostiles au Brexit. C’est ce type de « vote intelligent » qui avait fait perdre Budapest à Viktor Orban et failli faire perdre Moscou à Vladimir Poutine. Là-bas aussi les électeurs avaient opté pour le « Tout sauf Orban » ou le « Tout sauf Poutine » soit en formant des fronts uniques soit en votant, quelle que soit leur étiquette, pour les candidats d’opposition les mieux placés. La désidéologisation de la vie politique permet ces nouvelles attitudes qui se répandent sous toutes les latitudes.  

A Londres, une surprise n’est pas exclue et, à Alger, les généraux auront bien du mal à se remettre durablement en selle par la seule grâce d’une présidentielle à laquelle une grande majorité d’électeurs aura refusé de participer. Le moment de vérité est pour le lendemain vendredi quand les cortèges hebdomadaires se reformeront au cœur de la capitale. Si les généraux laissent faire, ils se condamnent au repli. S’ils faisaient tirer, l’insurrection menacerait.

Quant à l’Ukraine, tout dépendra de M. Poutine. Volodymyr Zelensky veut un accord avec la Russie et le croit possible. Angela Merkel et Emmanuel Macron le souhaitent aussi. Le président français voudrait même en faire le premier moment d’une négociation entre l’Union européenne et la Fédération de Russie. C’était à Vladimir Poutine de choisir entre les risques d’une affirmation solitaire dont la Russie n’a pas les moyens et les bénéfices mutuels, économiques et politiques, de l’instauration d’une sécurité continentale.

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