Il lui reste encore une chance de ne pas déstabiliser l’Europe et tout perdre. Qu’il pénètre en Ukraine ou y renonce sans avoir rien obtenu, Vladimir Poutine est aujourd’hui échec et mat mais il pourrait encore choisir de s’en sortir par le haut et rester dans l’Histoire comme homme de paix et non pas de guerre.  C’est évidemment difficile à espérer tant il n’a jamais su jouer qu’au vengeur musclé de l’Empire défunt. Plutôt que de chercher à inventer la Russie du XXIème siècle, Vladimir Poutine n’a jusqu’à présent jamais su que foncer en marche en arrière dans un passé mythifié mais tout peut après tout arriver. Nécessité peut faire loi et donner naissance à un autre Poutine auquel il suffirait d’un peu d’audace pour se sortir de cette ornière en surprenant l’Europe entière, Russie comprise, et le reste du monde.

Le même mais tout différent, ce nouveau Poutine pourrait saisir la perche que lui a tendue Emmanuel Macron en sa double qualité de président de la République et de président, pour le semestre en cours, du conseil des ministres européen. Vladimir Poutine pourrait enterrer son conflit avec l’Ukraine en se décidant à faciliter l’application de l’accord de Minsk sur l’Ukraine orientale. Il n’aurait pour cela qu’à conduire les sécessionnistes qu’il arme et finance à tendre publiquement la main aux autorités ukrainiennes qui seraient ainsi amenées à faire à leur tour les gestes nécessaires à un compromis.

En quelques heures et sans que cela ne lui coûte quoi que ce soit, M. Poutine se ferait la solution au lieu de rester le problème. Il établirait un climat de confiance et, sur cette base, il pourrait ensuite proposer à l’Union européenne, à l’Ukraine et autres pays limitrophes de la Russie des mesures de sécurité et des accords de coopération assez avantageux et rassurants pour que personne ne puisse ni ne veuille les refuser.

Si M. Poutine savait substituer la politique de la main tendue à celle des ultimatums inacceptables, s’il savait contribuer à une réinvention des Accords d’Helsinki pour assurer la stabilité et la prospérité du continent Europe, ce n’est pas seulement qu’il ferait bien vite oublier les tensions d’aujourd’hui. Il rencontrerait aussi l’assentiment du peuple russe qui ne rêve que de concorde et de développement, des Etats-Unis qui ne veulent pas avoir à revenir en Europe et des 27 Etats de l’Union qui ne veulent aujourd’hui qu’approfondir leur unité dans des investissements communs et certainement pas entrer en guerre, fût-elle rampante.

En changeant de pied, Vladimir Poutine pourrait autrement dit s’assurer une fin de règne harmonieuse et jeter les bases d’une transition de la Russie vers les libertés et la démocratie auxquelles tant de ses citoyens aspirent. C’est par la grande porte qu’il pourrait entrer dans l’Histoire alors qu’il n’est maintenant plus loin de perdre gros et même très gros.

S’il fait franchir la frontière ukrainienne à ses troupes, la Russie devra prendre en charge l’Ukraine ou les nouvelles régions dont il l’aura dépossédé alors même que les Occidentaux l’auront frappée au porte-monnaie en prenant contre elle de très dures sanctions économiques.

Financier, le problème sera également militaire et politique car Vladimir Poutine devra aussi faire face à une résistance déterminée que les Occidentaux ne manqueront pas d’appuyer en armes, renseignement et argent. Un nouveau mot pourrait ainsi s’imposer dans le vocabulaire politique international, celui « d’afghanisation » tant l’Ukraine pourrait vite devenir à la Russie ce que l’Afghanistan avait été à l’URSS.

Prenons maintenant l’hypothèse dans laquelle le président russe ne s’aventurerait finalement pas en Ukraine. Cela épargnerait bien des vies, des dépenses militaires et des menaces, surtout, de déstabilisation continentale. Ce serait infiniment plus sage mais Vladimir Poutine s’en trouverait tellement humilié après avoir tant montré ses muscles que sa crédibilité en serait aussi sérieusement affaiblie sur la scène internationale que sur sa scène intérieure. Il ne serait plus assuré de pouvoir se maintenir au pouvoir et sans doute risquerait-il de ne pas échapper au rôle de bouc-émissaire, sommé de rendre des comptes sur deux décennies de gestion solitaire.

Entre ces deux termes de l’alternative, il y a bien sûr les fausses options des cyberattaques et autres provocations de l’ombre mais elles n’ont qu’un temps. Sur le fond, Vladimir Poutine devra rapidement choisir entre l’aventure militaire et l’immédiateté d’un fiasco politique à moins…

A moins qu’il ne fonce sans plus attendre vers la sortie de secours qui s’offre à lui, ne l’emprunte et ne rebondisse pour le bien de tous et le sien propre.

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