Ce mot d’« escalade » est partout. On l’entend et le lit sans cesse mais il n’est plus seulement associé à l’insistance avec laquelle on parle à Moscou de frappes nucléaires et de troisième guerre mondiale.
En Europe comme aux Etats-Unis, un part non négligeable de la presse et des milieux politiques s’inquiète désormais de ce qui serait l’escalade parallèle à laquelle se livreraient à la fois Joe Biden et Vladimir Poutine, le premier en renforçant son soutien militaire à l’Ukraine, le second en laissant son entourage gloser sur l’imminence de l’apocalypse.
Eh bien non ! Rien n’est plus faux que ce trait d’égalité entre les présidents russe et américain. Joe Biden arme un pays agressé alors que Vladimir Poutine y sème la mort et la désolation. L’un défend la liberté, l’autre voudrait l’écraser. L’un agit conformément au droit international que l’autre bafoue outrageusement. La différence est fondamentale mais il y a plus grave encore que cette confusion morale.
Loin d’être sans conséquences, cette idée de double escalade sert en effet le président russe. A Washington, elle mène à contester les livraisons d’armes à l’Ukraine en faisant comprendre que les Etats-Unis ne devraient pas se laisser entrainer dans une guerre qui ne concernerait que l’Union européenne et les Ukrainiens auxquels il reviendrait de se défendre seuls face à Vladimir Poutine.
C’est évidemment ce que souhaiterait le président russe. C’est même pour cela qu’il s’évertue à semer la peur avec son spectre d’une troisième guerre mondiale et, en Europe, le trait d’égalité de la double escalade a un effet inverse mais tout aussi profitable à M. Poutine. Il conduit à faire de cette guerre un bras de fer américano-russe face auquel l’Europe devrait rester neutre.
« Ne nous faisons pas auxiliaires des Etats-Unis ! », dit ce murmure qui montera tant que durera la guerre et auquel il faut opposer le démenti des faits.
Ce ne sont d’abord pas les Etats-Unis qui ont été les premiers à voler au secours de l’Ukraine. C’est l’Union européenne car ses 27 Etats membres ont immédiatement compris que s’ils permettaient à Vladimir Poutine de s’adjuger Kiev, il entreprendrait ensuite d’accomplir son rêve de reconquête de l’Empire des tsars. La stabilité de l’Europe entière était menacée et c’est pour cela que les 27 ont aussitôt armé les Ukrainiens tandis que Joe Biden insistait, lui, de l’autre côté de l’Atlantique sur la volonté des Etats-Unis de ne pas engager d’hommes sur ce champ de bataille ukrainien.
Si quelqu’un a entrainé l’autre dans cette guerre, c’est l’Europe et non pas l’inverse et les Etats-Unis – deuxième vérité à rétablir –ne sont aujourd’hui pas tout seuls à accroître leur soutien à l’Ukraine. Même l’Allemagne qui se refusait il y encore si peu de jours à livrer des armes lourdes à Kiev et qui lui fournit désormais des chars, tous les Européens, tous à la seule exception de la Hongrie, arment désormais l’Ukraine en matériels toujours plus performants.
La raison n’en est pas qu’Européens et Américains auraient décidé d’entrer en guerre avec la Russie en profitant de son affaiblissement mais que Vladimir Poutine devient toujours plus dangereux. Il a perdu sa première offensive, celle qu’il avait lancée contre Kiev le 24 février. Il peine maintenant à s’assurer le contrôle du seul Donbass. Son échec et son humiliation deviennent tels qu’il peut vouloir chercher le salut dans une fuite en avant et il est donc impératif d’aider l’Ukraine à lui infliger une si claire défaite qu’il n’ait plus d’autre choix que de négocier un compromis durable.
On n’y parviendra pas du jour au lendemain. Cette guerre n’est pas finie mais on ne l’arrêtera pas en abandonnant les Ukrainiens mais en les armant, au plus vite et au mieux.