Qu’a-t-il annoncé ? Rien. Quel bilan a-t-il tiré de ces deux mois et demi d’« opération spéciale » en Ukraine ? Aucun. A-t-il seulement dit quelque chose dans son discours d’ouverture de la traditionnelle commémoration militaire de la victoire de 1945 ?

Non plus car inexpressif, sanglé dans un petit manteau trop serré et sans jamais prononcer le nom de l’Ukraine, pas une seule fois, Vladimir Poutine n’a fait qu’affabuler, que raconter à la Russie une histoire imaginaire dans laquelle…

Citons-le « : Les préparatifs étaient ouvertement en cours pour une autre opération punitive dans le Donbass et une invasion de nos terres historiques, y compris la Crimée. Kiev annonçait l’acquisition possible d’armes nucléaires (…) Nous avons vu comment des centaines de conseillers étrangers commençaient à travailler et livrer régulièrement les armes les plus modernes de l’Otan. Le danger grandissait de jour en jour (et) la Russie a donné une réponse préventive à l’agression ».

C’était une décision « obligée » et « la seule bonne », ajoute Vladimir Poutine mais reprenons. « Une autre opération punitive dans le Donbass » ? Comment cela « une autre » alors que la seule précédente opération dans le Donbass dont on puisse retrouver la trace est celle qu’il avait organisée lui-même en 2014 pour séparer de l’Ukraine une partie de cette région et la placer sous contrôle de séparatistes armés et financés par Moscou. 

Poutine accuse ainsi l’Ukraine et derrière elle l’Alliance atlantique d’avoir médité de refaire contre lui ce qu’il avait fait, lui, contre l’Ukraine. Il se prévaut de son propre crime tout comme il le fait à propos de la Crimée qu’il avait annexée en 2014 et dont il accuse aujourd’hui l’Ukraine d’avoir préparé « l’invasion».

Alors reprenons. Quand bien même l’Ukraine aurait-elle voulu reconquérir le Donbass et la Crimée, des terres volées en 2014 par la Russie, qu’elle n’aurait fait qu’exercer ses droits les plus légitimes mais, en l’occurrence, Vladimir Poutine n’avance aucune preuve de ce qu’il affirme, pas plus qu’il ne dit comment, à qui, sur quel marché, les Ukrainiens se seraient apprêtés à faire la « possible acquisition » d’armes nucléaires.

Cela pourrait s’appeler des « vérités alternatives » mais il y avait en revanche, c’est vrai, des conseillers militaires étrangers en Ukraine. C’est même grâce à eux que l’armée ukrainienne avait considérablement renforcé, depuis 2014, sa capacité à contrer l’agression en cours mais M. Poutine voudrait sérieusement faire croire qu’avec ces « centaines » de conseillers, l’Ukraine se préparait à envahir la Russie ?

Reposons-nous la question : les 44 millions d’Ukrainiens se préparaient à envahir la Russie, le plus étendu des pays du monde, une puissance nucléaire trois fois plus peuplée que ne l’est l’Ukraine ?

C’est totalement absurde mais voilà pourtant ce que ce chef d’Etat ose prétendre à la face du monde. Voilà la fable qu’il accommode d’une sauce mélangeant nazis de la Deuxième guerre mondiale et « néo-nazis » de son invention. Voilà tout ce qu’il avait à dire mais, en vérité, qu’aurait-il pu dire d’autre ?

Qu’un peuple qui n’existe à ses yeux pas a su arrêter l’armée russe pour défendre sa patrie, une patrie qui, dit-il encore, n’aurait pas non plus d’existence ? Qu’il a commis une erreur politique d’une invraisemblable ampleur en ordonnant cette invasion ? Que son armée s’est embourbée, que son économie est en souffrance et que ses ressources naturelles sont en train de perdre leurs débouchés naturels en Europe ?

Ou bien aurait-il pu dire que sa cécité politique a fait revenir les Etats-Unis en Europe, avait ressuscité l’Alliance atlantique, resserré comme jamais les rangs des Etats membres de l’Union européenne, ouvert la voie à de nouveaux élargissements de l’Union et précipité sa marche vers son affirmation en une union politique ?

Vladimir Poutine aurait-il pu énoncer ces faits le 9 mai sur la Place rouge sans devoir annoncer, dans le même souffle, qu’il démissionnait, se retirait de la vie politique et demandait pardon à la Russie des crimes qu’il a lui fait commettre et du déshonneur qu’il lui a infligé ? Non bien sûr car c’est alors devant la Justice qu’il se serait vite retrouvé. La seule possibilité qu’il lui restait était bel et bien l’affabulation mais où cela le mène-t-il ?

A rien d’autre qu’à plus d’échecs encore à moins qu’il ne sache crier victoire au plus vite et, dans la foulée, retirer ses troupes d’un pays qu’il lui faudra bien s’habituer à appeler l’Ukraine car Ukraine est son nom.

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