Et s’ils avaient raison ? Et si ce n’était pas que le besoin d’y croire qui faisait dire aux dirigeants ukrainiens que c’est dès cette année que leur pays l’emportera ?

On ne sait pas. Le sort des armes est par définition tellement incertain que toute prophétie est hasardeuse mais le fait est qu’il y a désormais cinq motifs de penser qu’ils pourraient n’avoir pas tort.

Le premier est que Vladimir Poutine semble désormais perdu, lunaire et totalement incapable de communiquer la moindre confiance en une victoire de ses armées. La semaine dernière, la seule chose qu’il ait réussi à insuffler à ses ministres et aux élus de la Douma était un si profond ennui que plusieurs d’entre eux se sont endormis à l’écouter. Ca n’en finissait plus. C’était du Brejnev ressuscité et le président de la Fédération n’en était plus à dire que tout se déroulait en Ukraine « selon les plans » mais qu’on y progresserait « pas à pas ».

Si les mots ont en sens, cela signifiait qu’on progresserait comme on le pourrait.

Cet homme s’était rêvé Pierre le Grand mais autour de lui, Prigojine et d’autres s’injurient et s’étripent comme s’il n’était déjà plus là ou ne comptait plus guère. Un parfum de fin de règne s’élève au-dessus du Kremlin et c’est là, dans cette citadelle, que pourrait se jouer au bout du compte l’issue de cette guerre que l’Ukraine n’a pas encore gagnée mais que Vladimir Poutine a déjà perdue.

La deuxième raison pour laquelle la prophétie ukrainienne pourrait bien s’avérer est que Joe Biden, en se rendant à Kiev, a fait beaucoup plus qu’adresser un geste de solidarité aux Ukrainiens en lutte. A la face du monde et des Etats-Unis eux-mêmes, il a ainsi déclaré que l’Amérique s’engageait à ne pas laisser l’Ukraine perdre cette guerre. C’est dit. Ca l’est par un homme de 80 ans qui n’a pas hésité à faire ce difficile voyage pour le proclamer et faire ainsi d’une éventuelle défaite de l’Ukraine une inacceptable défaite de la première puissance mondiale.

La troisième raison tendant à donner raison aux dirigeants ukrainiens est que l’Union européenne va maintenant acheter des munitions en commun. A une vitesse toujours plus grande, l’Union s’affirme en puissance politique dont la guerre d’Ukraine est devenue le baptême du feu.

La quatrième raison pour laquelle cette guerre pourrait en effet ne pas devenir une interminable guerre de positions est que 141 des pays de l’Onu, près de trois quarts de ses membres, ont appelé jeudi au retrait immédiat des troupes russes. Il n’y a pas que sur le champ de bataille que Vladimir Poutine s’embourbe. Il perd aussi pied sur le front diplomatique et quant à la cinquième raison pour laquelle les dirigeants ukrainiens pourraient n’avoir pas tort, elle n’est rien de moins que chinoise.

Parce qu’elle voit bien, elle aussi, que le Kremlin ne l’emportera pas et que cette guerre, en attendant, réduit les échanges internationaux dont son économie et sa stabilité politique sont si dépendantes, la Chine vient de rappeler la Russie au respect de l’intégrité territoriale des Etats. La Chine ne lâche pas la Russie et ne le fera pas mais elle ne la suit pas sur cette guerre qu’elle souhaite voir s’achever au plus vite.  

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