Cela ne s’est vu dans aucune des démocraties basculant dans la dictature ou menaçant de le faire. Pas plus en Hongrie qu’en Pologne ou que dans les Etats-Unis de Donald Trump, on n’a vu de telles foules descendre dans les rues pour défendre la liberté.

Samedi ils étaient plus de 150 000 à Tel Aviv pour la neuvième semaine consécutive. Il y avait des meetings ou cortèges dans 92 autres villes et ces manifestations sont d’une complète diversité sociologique, politique et générationnelle. Contre cette réforme de la Justice aux termes de laquelle il n’y aurait plus de Cour suprême pouvant opposer les principes du droit à une majorité parlementaire, contre ce qui serait ainsi un changement de régime, il n’y a pas que la gauche, les étudiants et leurs enseignants. L’armée et les services de renseignement, officiers en tête, sont très largement représentés. La droite l’est aussi, non pas seulement des intellectuels de droite mais également des figures politiques du Likoud, comme Limor Livnat, ancienne ministre de l’Education de Benjamin Netanyahou.

Elle était au micro, samedi, à Tel Aviv, et n’a pas craint de tourner en dérision le vocabulaire de son camp lorsqu’elle a lancé : « Bienvenue à tous les anarchistes, bienvenue à tous les terroristes, bienvenue à tous les patriotes ! ». Plus de 60% des Israéliens se disent aujourd’hui opposés à cet attentat contre l’Etat de droit. C’est beaucoup plus que les seuls gauche et centre-gauche réunis et la force de cette mobilisation, preuve de la vitalité de la démocratie israélienne, ne doit pas laisser l’Union européenne et les Etats-Unis indifférents.

Européens et Américains, nous soutenons Israël parce qu’il est une démocratie et nous devons donc l’aider à ne pas devenir une démocrature. Nous avons les moyens de le faire en disant notre inquiétude et suspendant nos aides. A nous taire, nous nous ferions complices d’un homme qui n’est allé se chercher des alliés dans les franges les plus fanatiques de l’extrême-droite religieuse que pour échapper à la Justice. A ne pas agir, non seulement nous trahirions le seul Etat démocratique du Proche-Orient et un peuple qui, sous nos yeux, se bat pour sauvegarder ses libertés mais nous prêterions la main au renforcement des ennemis de la liberté sur la scène internationale.

L’honneur des grandes démocraties comme leur intérêt leur commandent de peser de tout leur poids en faveur de la démocratie israélienne. C’est un impératif d’autant plus catégorique que ce sont la sécurité et la pérennité d’Israël qui sont en jeu car, sans coup d’arrêt à ce glissement vers la dictature, ce pays va se diviser comme les douze tribus de la Bible. Entre orthodoxes et traditionalistes, laïcs et religieux, gauche et droite, sépharades, « russes » et ashkénazes, il va tant se fragmenter et se défaire qu’il ne pourra plus faire face aux menaces régionales qui ressurgiraient sitôt que son affaiblissement serait avéré.

Il faut sauver Israël de son extrême-droite.

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