C’est une aspiration qui ne connaît pas de frontières. C’est elle qui avait fait tomber le rideau de fer en 1989. C’est elle qui avait fait manifester, six mois durant, les Iraniens en 2009. C’est encore elle qui avait suscité les printemps arabes de 2011 dont la force et le provisoire échec rappellent tellement le printemps européen de 1848. C’est toujours elle qui avait soulevé Hong Kong avant de donner le courage aux Biélorusses de défier leur despote et cette aspiration à la liberté vient annoncer, n’en doutons pas, le réveil d’une Russie qu’on sent si lasse du retour en arrière qu’elle vit depuis trop longtemps.
Alors, non ! Ne laissons personne, pas un seul M. XI, pas un seul idéologue des nouvelles droites, pas un seul M. Poutine ou M. Orban, contester l’universalité des idéaux de démocratie et d’Etat de droit dont l’Union européenne a fait ses valeurs. Continuons à les défendre, au contraire, toujours et partout, parce que l’humanité tout entière les partage et qu’ils sont notre force mais là n’est pas le seul enseignement de la révolution biélorusse.
Le deuxième est que le régime russe atteint là ses limites.
M. Poutine a annexé la Crimée mais il a perdu l’Ukraine. Il a porté la guerre en Ukraine orientale mais devra soit finir par s’en retirer soit en prendre en charge la reconstruction. En Ukraine, M. Poutine a conduit la Russie à l’impasse alors même qu’en Libye, rien n’est non plus simple pour lui et qu’au Proche-Orient, le régime iranien, son seul allié, perd ses positions irakienne et libanaise et s’enfonce dans une crise économique qui accroît toujours plus son impopularité.
Si le pouvoir de nuisance du régime russe est considérable, seules les armes sont modernes dans cette puissance pauvre qu’est la Russie. Les infrastructures y sont en ruines, le niveau de vie en baisse et les revenus pétroliers en chute libre. Alors, le mécontentement social grandit en Russie. La popularité de son président ne cesse de reculer et la simultanéité des manifestations de Khabarovsk et de Minsk a tout pour inquiéter M. Poutine qui, bien avant qu’elles n’éclatent, avait conçu de ne plus gouverner que dans l’ombre afin de seulement laisser des fusibles en première ligne.
Ce régime, en un mot, s’affaiblit alors même que la détermination des Biélorusses l’accule à choisir entre des options également risquées. L’une est l’intervention militaire qui créerait à Minsk la même russophobie qu’à Kiev. L’autre est la poursuite de l’envoi de supplétifs civils et policiers qui ne suffira pas à sauver le pouvoir en place. La dernière est un remplacement d’Alexandre Loukachenko qui, même négocié avec le Kremlin, pourrait donner bien des idées aux Russes.
Pour Vladimir Poutine, la passe est si difficile qu’il n’y a malheureusement rien de surprenant à ce qu’on ait voulu attenter à la vie d’Alexeï Navalny, c’est-à-dire du seul opposant à incarner la possibilité d’une relève depuis l’assassinat de Boris Nemtsov il y a cinq ans.
Les amis de M. Poutine s’acharnent à faire le vide. Cela dit toute l’inquiétude de ce régime et quant au troisième enseignement de la révolution biélorusse, il est que l’Union européenne doit continuer à mettre autant de soin que les Biélorusses à se garder de faire de leur pays l’enjeu d’une rivalité de puissances.
C’est en continuant à proposer une médiation que l’Union sera utile aux Biélorusses et à la liberté. Si elle peut jouer un vrai rôle dans cette crise, c’est en réclamant, soir et matin, la libération des prisonniers politiques, en suscitant un mouvement d’opinion dans ses 27 Etats, en pressant M. Loukachenko de revenir à la Raison et en demandant à être reçue, d’urgence, par le président russe pour l’inciter au réalisme et en prendre à témoins le monde entier et son pays.
Vous voulez peser, M. Poutine, faut-il lui dire, et voulez que la Russie pèse dans le monde ? Eh bien, défendez, en Biélorussie, le droit et la concorde et vous défendrez, alors, les intérêts de la Russie, son image, son influence et son rôle de puissance responsable, au lieu de si constamment les saper.