Ils s’essoufflent. Il ne faut évidemment pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué mais le fait est que de Washington à Budapest en passant par Varsovie, les régimes nationalistes et autoritaires, ceux qu’ont dit « populistes », n’ont plus le vent en poupe.
D’un Etat à l’autre, les sondages sont mauvais ou catastrophiques pour Donald Trump dont la gestion de la pandémie parait toujours plus accablante. On ne voit plus comment l’homme orange pourrait obtenir un second mandat et ni Viktor Orban, en Hongrie, ni Jaroslaw Kaczynski, en Pologne, ne sont en bien meilleure forme.
Ils n’ont pas, eux, de rendez-vous avec les électeurs avant longtemps mais l’un et l’autre ont su se créer des mouvements de contestation qu’ils auront du mal à juguler. Alors même qu’il avait perdu les dix premières villes de Hongrie aux municipales d’il y a un an, le théoricien de la « démocratie illibérale » a voulu mettre au pas l’Université du théâtre et du cinéma. Résultat : ce bastion de la liberté est occupé depuis près de deux mois ; les étudiants sont dans la rue et Zsuzsa Hegedus, la conseillère politique du Premier ministre, donne publiquement raison aux manifestants et appelle à l’ouverture de négociations.
C’est du sein même du régime que sonne l’alarme et, à Varsovie, le pouvoir en place a fait encore mieux. Parce qu’il n’a gagné que d’un cheveu la présidentielle de l’été dernier, il est maintenant divisé entre partisans d’un recentrage et avocats d’une radicalisation à l’extrême-droite. Cela tire dans tous les sens et Jaroslaw Kaczynski a donc cru intelligent de donner satisfaction à son aile droite en faisant voter une interdiction quasi-totale de l’avortement par le Tribunal constitutionnel.
L’épiscopat est ravi. L’extrême-droite applaudit mais, en mars dernier, un sondage avait montré que 58% des Polonais étaient favorables à la liberté de l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse et sans condition aucune. Sur ce point au moins, la Pologne est infiniment plus libérale que sa majorité politique qui vient là de se mettre à dos les femmes. Dans les campagnes comme dans les villes, des manifestations se sont aussitôt organisées. Elles ne font que commencer. L’essoufflement de ces nouvelles droites est patent mais même en admettant qu’elles perdent la semaine prochaine leur héros américain, sont-elles pour autant condamnées ?
La réponse est non car des revers électoraux, si cuisants soient-ils, n’effaceraient pas les causes profondes de l’apparition de ces nouveaux courants, nés du rejet du libre-échange, des délocalisations industrielles et du recul des investissements publics – du triomphe de ce néo-libéralisme qui a permis un recul mondial de la pauvreté mais creusé les inégalités, fait reculer l’Etat providence et mis à mal les infrastructures des pays développés.
Dans une confusion politique mêlant le nationalisme de la droite et les revendications sociales de la gauche, l’essor des populistes s’était fondé sur de vraies causes. Ils peuvent perdre une élection mais représentent désormais un large socle d’électeurs qui ne s’érodera pas tant que les démocrates américains et européens n’auront pas su refaire de la justice sociale leur priorité. Or disons-le : on n’y est pas.
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