Le pessimisme est intellectuellement chic. L’optimisme, lui, n’est jamais considéré comme réaliste. L’optimisme est toujours vu comme naïf, mais aujourd’hui, tant pis pour moi, je serai optimiste – optimiste mais ni aveugle ni naïf.

Comme vous, je sais que les États-Unis d’Amérique, la démocratie la plus prospère et la plus puissante du monde, le pays qui a été la force principale des victoires contre le nazisme et le communisme, pourrait bien rompre avec la démocratie, les libertés et les droits de l’homme. L’Amérique pourrait devenir une sorte de Hongrie, la Hongrie d’Orban, si Donald Trump était réélu demain. L’Inde est déjà devenue une démocrature, une demi-démocratie, une demi-dictature. La Chine n’a pas du tout honte, bien au contraire, d’expliquer que la démocratie est un système plus faible que son régime à parti unique et il y a, dans les plus grandes démocraties, un épuisement intellectuel de la gauche et de la droite et une fatigue démocratique dans l’opinion publique.

Face à une crise économique devenue angoissante à cause de la pandémie, nous aurions toutes les raisons de craindre que ce siècle puisse voir la fin non seulement de l’unité européenne mais aussi de la démocratie dans le monde entier sauf, peut-être, en Norvège, mais non !

Je ne partage pas ce point de vue pourtant assez répandu et voudrais vous dire pourquoi.

Premier point : il y a, bien sûr, une fatigue démocratique mais elle n’existe que dans les pays démocratiques. Hong Kong rêve de libertés tout comme l’Iran et les pays arabes. Viktor Orban a perdu les dix plus grandes villes hongroises lors des dernières élections locales et il craint de toute évidence – et à juste titre – de perdre sa majorité lors des prochaines élections nationales. Les manifestations en Pologne sont spectaculaires et, là-bas, la majorité conservatrice est de plus en plus divisée depuis l’élection présidentielle de l’été dernier.

Point suivant : Il y a, en Russie, une fatigue…de Poutine. M. Poutine est dans une très mauvaise passe au Moyen-Orient car son seul allié, le régime iranien, est affaibli par les crises irakienne et libanaise, les sanctions économiques et la pandémie. Bachar al Assad et Poutine ont gagné la guerre mais c’est une victoire à la Pyrrhus. Poutine est dans une impasse en Ukraine et désormais au Bélarus. Il est de moins en moins populaire et n’est pas en situation de remettre sur pieds son économie car les prix du pétrole n’iront pas en augmentant pas dans les années à venir.

Avec ou sans Poutine, l’élite russe devra essayer de conclure un accord de sécurité et de coopération avec l’Union européenne car l’option chinoise serait un suicide national.

Troisième point : l’idée d’une Défense européenne commune n’est plus un tabou dans les Etats membres, pas même en Pologne, car chacun a maintenant compris que l’Europe n’est plus une priorité nationale pour les Etats-Unis. Ce qui était déjà clair lors de la crise géorgienne et de la guerre syrienne est devenu une évidence avec Trump et ne changera pas avec Biden. Il y aura une Défense européenne, sous deux décennies, et cela changera beaucoup de choses parce que…

Point suivant : parce qu’une Union européenne avec une monnaie européenne, des règles communes, des politiques industrielles communes, des investissements communs, des institutions communes et une Défense commune sera beaucoup plus qu’une simple Union. Confédération ou fédération, elle sera déjà un acteur de la scène internationale, un acteur prospère, capable de négocier une nouvelle alliance avec les États-Unis, une coexistence avec la Russie et une nouvelle complémentarité économique avec les rives sud de la Mare nostrum.

Cinquième point : Tout reste incertain. Tout sera difficile mais nous réussirons parce que c’est nécessité fait loi et car la Russie et les États-Unis, si étrange que cela soit, auront tous les deux besoin d’une Union européenne forte, et tous les deux à cause de la Chine.

Point suivant : Les deux priorités européennes devraient donc être de mettre sur la table, dès que possible, des propositions destinées à Washington et Moscou, des idées pour une nouvelle alliance atlantique et un nouvel accord d’Helsinki.

Septième point : si Donald Trump venait à être réélu cette semaine, il serait plus facile à l’Union d’atteindre l’unanimité en politique étrangère. Avec Joe  Biden à la présidence des Etats-Unis, cette unanimité serait certes plus difficile à obtenir, mais la nouvelle équipe de Washington pourrait comprendre assez rapidement qu’il serait dans l’intérêt national américain de disposer en Europe d’un allié fort et prêt à financer sa propre Défense.

Point suivant : les sondages montrent une profonde confusion politique en Europe, sauf en ce qui concerne l’unité européenne et les mouvements populistes. Les Européens –  même aujourd’hui les Britanniques – ne veulent pas quitter l’UE alors qu’en revanche, les nouveaux nationalistes perdent du terrain dans presque tous les pays.

Point suivant : il y a tout lieu d’espérer que Joe Biden sera élu cette semaine.

Dixième et dernier point : tout bien considéré, il n’est pas exagérément optimiste de rejeter le pessimisme et d’oser espérer, en ce siècle, la survie de la démocratie et la naissance d’une union politique forte et d’un genre inédit : les États-Unis d’Europe, politiquement unis dans leur diversité culturelle, historique et institutionnelle.  

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