Est-ce Joe Biden qui aurait semblé trop effacé ? Est-ce à cause de l’âge et de la personnalité de cet homme qu’il y eut finalement une telle solidité du vote Trump en lieu et place de la vague bleue qu’annonçaient les sondages ?

Est-ce, plus profondément, que le refus de l’immigration, l’épreuve de force avec la Chine, le repli national et le rejet du legs des années soixante soudent une moitié de l’Amérique dans une aspiration passionnelle à un passé mythifié ? Ou bien est-ce encore que les Démocrates n’ont pas aujourd’hui d’autre ciment que leur désir d’éviter à leur pays un second mandat de Donald Trump ?

Comme des vraies raisons de la Guerre de 14, on en débattra longtemps mais si les causes du vote d’hier sont tout, sauf évidentes ses conséquences, elles, ne le sont que trop.

 Au bout du compte, quel que soit le vainqueur, l’écart des voix entre les candidats n’aura pas été suffisant pour que l’Amérique perdante concède la victoire à l’Amérique gagnante. Brève ou longue, bataille juridique il y aura. Peut-être même reviendra-t-il au Congrès de trancher et, quatre ans durant, une moitié des Etats-Unis  regardera le Président en place comme illégitime car élu par la fraude.

Cela signifie que, dans un monde où foisonnent dictatures et démocratures, la plus riche et la plus puissante des démocraties ne pourra plus plaider le respect de l’Etat de droit, des libertés et des droits de l’homme sans que Moscou, Manille ou Pékin ne lui rappellent la parabole de la paille et de la poutre.

Nous venons d’entrer dans une ère où la démocratie aura perdu l’avantage de la force militaire, celle de la première armée du monde. Les Etats-Unis sont parallèlement entrés dans une crise institutionnelle qui risque d’aller en s’aggravant. Bonne ou mauvaise, ce n’est pas une ligne politique qui l’aura emporté mais le camp de la liberté tout entier qui vient d’essuyer une défaite car…

Imaginons un instant que Donald Trump n’ait pas à céder la place. Son ambition ne sera pas alors de renouer avec les démocraties européennes mais de chercher, au contraire, à s’entendre avec la Chine de Xi, la Russie de Poutine ou la Turquie d’Erdogan, avec les dictateurs du moment dont il partage la culture politique.

Partout dans le monde, un second mandat du président sortant abîmerait plus encore la démocratie mais que se passerait-il si Joe Biden devenait le 46ème président des Etats-Unis ?

Il voudrait, lui, resserrer les rangs avec l’Union européenne, réduire les inégalités en rétablissant un minimum d’équité fiscale et revenir sur les politiques de dérèglement social et environnemental. Il n’y a pas de raison d’en douter car c’est sa culture et parce que l’Etat n’apparaît plus aujourd’hui comme le problème mais comme l’incontournable solution mais Joe Biden aurait-il les moyens de ses objectifs ?

Il les aurait eus avec une incontestable victoire mais les aurait beaucoup moins avec une moitié de l’Amérique lui mettant nuit et jour des bâtons dans les roues. Condamné à se battre en même temps contre une Amérique qui ne le reconnaîtra pas et contre une pandémie à laquelle Donald Trump a laissé le champ libre, ce vieux sénateur de la côte Est aurait plus que du mal à ouvrir une nouvelle page en restituant le soft power de leur exemplarité à des Etats-Unis toujours plus essoufflés.

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