Il veut agir vite. C’est par décrets que, dès mercredi, au premier jour de son mandat, Joe Biden veut s’attaquer aux crises de la Covid du climat, de l’économie, et des relations interraciales afin de « remettre sur pied notre pays », dit son entourage, et de « restaurer la place de l’Amérique dans le monde ».
Très bien. On ne peut qu’applaudir mais est-il possible de « restaurer la place de l’Amérique » alors que le monde a tant changé et que les Etats-Unis se sont tellement fracturés que leurs blessures seront longues à cicatriser ?
La réponse est « non ». L’Amérique a tant de défis à relever qu’elle ne pourra pas redevenir l’hyperpuissance qu’elle était devenue après l’éclatement soviétique et certainement pas, non plus, ce gendarme du monde qu’elle ne veut, au demeurant, plus être depuis l’échec de son aventure irakienne.
Comme toutes les démocraties, l’Amérique doit redessiner un échiquier politique bouleversé par le basculement à l’extrême-droite d’un tiers de ses électeurs. Elle devra mener, en même temps, une très incertaine lutte pour ne pas se laisser ravir par la Chine sa place de première des économies du monde. Il lui faudra parallèlement offrir une protection assez crédible aux nations d’Asie pour que ce continent ne devienne pas un protectorat chinois.
Condamnée, en un mot, à concentrer ses forces et efforts sur le Pacifique tandis que sa quête d’un nouveau consensus intérieur ne fera que s’ouvrir, l’Amérique ne peut ni ne devrait s’illusionner sur ses possibilités de « restaurer » la place qu’elle avait occupée au XX° siècle.
C’est à s’inventer une place dans le XXI° qu’elle doit s’employer en commençant par œuvrer à une redéfinition de l’Alliance atlantique.
Dès lors qu’à bon droit, les Etats-Unis ne veulent plus assumer seuls le coût de la Défense de l’Europe, ils doivent accepter que l’Union européenne se dote d’une Défense commune appuyée sur des industries de Défense européennes et que l’Otan devienne ainsi une Alliance de partenaires égaux en droits et devoirs, l’alliance des deux plus grandes et plus riches démocraties du monde.
Non seulement l’Union devra pouvoir peser autant que les Etats-Unis dans l’Alliance du XXI° siècle mais, entre les deux rives de l’Atlantique, une répartition des rôles doit s’instaurer au plus vite. Tandis que les Etats-Unis continueront à se tourner vers le Pacifique et l’Asie, c’est à l’Union qu’il reviendra de stabiliser l’espace méditerranéen en entreprenant d’instaurer une zone de sécurité et de coopération entre les trois façades de la mare nostrum et leurs arrière-pays.
Ni d’un côté ni de l’autre la tâche ne sera facile. Sa difficulté exigera, au contraire, que les Etats-Unis et l’Union œuvrent ensemble au règlement des tensions secondaires et trouvent, au premier chef, un modus vivendi avec la Russie. C’est là l’intérêt bien compris des puissances européenne, russe et américaine car la Russie aurait autant à perdre à s’enfermer dans un tête-à-tête avec l’éléphant chinois que les démocraties à voir Pékin et Moscou faire front contre elles.
L’atlantisme était hier, la subordination de l’Europe aux Etats-Unis. Il est aujourd’hui l’indispensable entente des démocraties face à l’affirmation des dictatures, à la renaissance de l’obscurantisme et à la montée de la barbarie.
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