Des sanctions, oui, bien sûr. L’Union européenne ne pourrait pas ne pas en prendre lorsqu’elle débattra, la semaine prochaine, de sa politique russe car Vladimir Poutine n’a pas seulement renvoyé en prison l’homme que ses services avaient échoué à empoisonner. Il a également giflé les 27 en la personne de Josep Borrell, le chef de leur diplomatie, pourtant venu à Moscou en mission de bons offices.

A ce président qui oublie toute décence et joue les gros bras, il faut rendre ses coups mais c’est lui qu’il faut sanctionner et non pas la Russie, non pas les Russes qui n’y sont pour rien mais les hommes de main, obligés et prête-noms sur lesquels Vladimir Poutine appuie son pouvoir.

Sans l’onction du chef de l’Etat, ces responsables de l’appareil répressif et patrons des plus grandes entreprises ne seraient rien et certainement pas aussi riches. C’est à lui qu’ils doivent leur influence, leur autorité et leur argent. C’est donc eux qu’il faut viser pour que leurs méfaits, évidemment, ne restent pas impunis et qu’ils réalisent ainsi que, non, leur maître n’est pas omnipotent. Pour eux, Vladimir Poutine peut tout en Russie mais si les 27 ne leur délivraient plus de visas, les empêchaient d’investir dans l’Union, épluchaient et éventuellement bloquaient leurs comptes bancaires de Francfort, Luxembourg ou Paris, les coupaient, en un mot, de pays où ils aiment tant dépenser en résidences fastueuses, grand luxe et soirées de rêve, que pourraient faire leur si puissant protecteur ?

Là, dans l’Union, il ne pourrait plus rien pour eux et ces gens qui se croient intouchables découvriraient alors qu’après leur avoir été tellement utile, ce président commence à nuire à la fois à leurs entreprises, leur vie sociale et leurs fortunes personnelles. En les sanctionnant, eux, personnellement, l’Union leur ferait voir que leur intérêt n’est plus forcément lié à la pérennité d’un chef d’Etat qui finit par s’user et qui, surtout, les isole de l’Europe et des Etats-Unis en enfermant la Russie dans un tête-à-tête avec la Chine.

Lentement mais sûrement, la donne politique en serait changée à Moscou et l’avantage de ces sanctions ciblées serait ainsi triple. Elles ne seraient certainement pas impopulaires en Russie car les Russes, eux, n’en souffriraient pas. Le Kremlin aurait du mal à les dénoncer sans braquer les projecteurs sur des fortunes qui ne se seraient pas constituées sans sa protection. L’Union, enfin, enfoncerait un coin entre Vladimir Poutine et les deux forces essentielles, l’argent et les services de sécurité, qui l’avaient porté au pouvoir il y a deux décennies, qui en ont été largement remerciées mais qui n’auraient aujourd’hui plus rien à perdre à changer de cheval.

Si l’argent et les patrons des services ne veulent pas que l’usure de Vladimir Poutine finisse par les user eux-mêmes, ils doivent permettre un changement d’équipe comme ils l’avaient fait en évinçant Boris Eltsine en 1999 et ce changement, l’Union européenne n’a pas qu’un seul moyen de le précipiter.

Elle en a deux car, outre ces sanctions ciblées, l’Union peut faire une offre publique à la Russie, à tous les Russes, oligarques, gens des services et classes moyennes urbaines, en leur disant sa disponibilité à de nouveaux accords de sécurité et de coopération auxquels tout le continent aurait intérêt, l’Union européenne comme la Fédération de Russie et les Etats de l’entre-deux.

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