Les uns disent déjà qu’Israël paie là le prix de la colonisation. C’est l’injustice croissante dans laquelle vivent les Palestiniens, expliquent-ils, qui a suscité cette tuerie de masse car un tel déchaînement de haine n’aurait pas été possible si tout espoir de paix n’était pas mort.

On aurait tort de ne pas les entendre mais l’autre thèse est tout aussi fondée. Comment nier, diront d’autres, que la solution des deux Etats n’est qu’illusion maintenant que le Hamas a fait voir tout le danger qu’il y aurait pour Israël à vivre aux côtés d’un Etat palestinien ? Depuis samedi, beaucoup se le disent en Israël et ailleurs car lorsqu’on en arrive à cela, il devient difficile d’encore croire que la paix et la coexistence soient possibles.

Il y a, bien sûr, l’exemple de la réconciliation franco-allemande mais le fait est que l’équation israélo-palestinienne est autrement plus insoluble que celle des deux guerres mondiales. Entre Paris et Berlin, ce n’était, si l’on ose dire, qu’affaire de pardon et de raison alors que ce si petit bout de terre qu’ils sont deux à considérer comme leur… Et bien pardon mais voyons les choses : pour les deux parties, c’est eux ou nous.

La guerre donc ? La guerre non pas seulement maintenant puisqu’Israël s’emploiera inévitablement à venger ses morts et laver l’affront mais une guerre sans fin puisqu’il n’y aurait pas de paix possible ? Oui, c’est à cela qu’on va. C’est vers cela qu’on court mais avant de s’y résigner, les Israéliens, les Palestiniens et les Occidentaux devraient y réfléchir à deux fois.

Les Israéliens devraient prendre aujourd’hui conscience que si leurs services se sont laissés aussi complètement aveugler qu’avant la guerre du Kippour, rien ne les immunise contre la possibilité que leur pays tout entier ne connaisse un jour le sort de Sdérot. On a vu samedi qu’ils pourraient finir par essuyer une vraie défaite, si totale qu’elle ne leur laisserait pas d’autre choix que la fuite éperdue des Arméniens du Nagorny Karabakh. Le mythe de l’invincibilité israélienne a vécu. Tout le Proche-Orient le réalise et, dans l’immédiat, cela pourrait sérieusement compromettre le rapprochement entre Israël et les capitales arabes, Ryad au premier chef.

C’est ce qu’a souhaité l’Iran. C’est ce dont il se félicite ouvertement et Américains et Européens ont ainsi à craindre que la Russie, la Chine et certaines des puissances émergentes ne soient au bout du compte tentées de voler au secours de la Palestine pour prendre ou reprendre pied Proche-Orient et y défier les Occidentaux.

Quant aux Palestiniens, le Hamas vient de les enfoncer plus encore dans leur malheur et de plus que jamais les éloigner de toute perspective de paix en obligeant les démocrates israéliens à faire front avec M. Netanyahou et ses alliés d’extrême-droite, avec ceux-là mêmes qui avaient divisé Israël et, par-là, tellement affaibli sa sécurité.

La catastrophe n’est pas seulement le sang versé et celui qui va longtemps couler. C’est un chaos politique montant face auquel il est nécessaire, urgent, incontournable d’imposer un règlement à ces deux peuples. Pour l’Union européenne et les Etats-Unis, il s’agit de désormais leur dire, clair et net, que s’ils n’acceptent pas les compromis qu’exige un règlement juste et pérenne, Israël devra se passer des aides américaines et de ses accords commerciaux avec l’Union tandis que l’Autorité palestinienne ne pourra plus compter sur les fonds d’aide européens.

Parce que les Etats-Unis ne le feront pas, il revient à l’Europe de faire le premier pas, d’appeler à une reprise des négociations, d’y associer les pays arabes, d’agir et de prouver ainsi qu’elle existe.

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