On y est. C’est fait, enfin fait. La France, l’Allemagne et l’ensemble de l’Union européenne à l’exception de la Hongrie ont enfin réalisé qu’à laisser Vladimir Poutine l’emporter en Ukraine, les 27 s’exposeraient bientôt à ce qu’il vienne les tester en Estonie ou à la frontière finlandaise, les divise par la peur d’un conflit direct et mette à mal leur unité.

Mieux vaut tard que jamais mais où en est-on ?

Si Donald Trump est élu en novembre prochain, il s’emploiera vite à défaire l’Alliance atlantique et à s’entendre avec le président russe sur le dos des Européens. C’est la pire des hypothèses mais quand bien même Joe Biden serait-il réélu, les Etats-Unis n’en continueraient pas moins à s’éloigner de l’Europe pour mieux se concentrer sur la Chine.

Nous n’avons virtuellement plus de protection américaine et pas d’autre Défense propre que la seule armée française. Le temps que ne se défasse l’Alliance atlantique et que le Kremlin ne puisse alors triompher de l’Ukraine, cela ne nous laisse qu’une poignée d’années pour relever trois défis majeurs.

Le premier est de nous doter d’industries paneuropéennes d’armement sans lesquelles nous ne pourrons ni assurer notre sécurité ni soutenir l’Ukraine ni venir en aide à aucun autre pays que nous devrions aussi protéger pour nous protéger nous-mêmes.

Le deuxième défi auquel nous faisons face est l’augmentation des moyens financiers de l’Union puisque nous ne pourrons pas jeter les bases d’une Défense commune sans y consacrer un budget européen dédié qui reste à créer. Que nous le fassions en développant des ressources propres à l’Union, en communautarisant une partie de nos dépenses militaires ou les deux, nous ne pouvons plus hésiter longtemps.

Quant au troisième défi, sans doute le plus difficile, il est d’élargir l’Union tout en affirmant en son sein une union politique dont les fiscalités seraient harmonisées, les diplomaties convergentes et les forces armées intégrées à une Défense commune.

Ces défis, nous pouvons les relever puisque nécessité fera loi. Les industries paneuropéennes d’armement appelleront des financements communs demandant de nouvelles ressources communes et nous ne franchirons pas ces étapes sans à la fois resserrer nos rangs et les élargir. Pour peser plus nous ne devons en effet pas laisser à de forces hostiles la possibilité de s’installer aux marges du continent et de les organiser contre nous. Nous devons intégrer à nos rangs ceux des Etats européens qui le souhaitent mais nous ne pourrons pas le faire sans donner un cœur à l’Union en unissant plus profondément encore ceux des 27 qui seront disposés à marcher vers une union politique.

Un pas entraînera l’autre. Il ne s’agit pas de nous lancer dans d’interminables et bien aléatoires négociations de révision des traités mais d’innover, pragmatiquement, comme nous l’avons fait pour les vaccins ou notre premier emprunt commun.

Il n’y a rien là d’impossible mais rien ne pourra se faire sans que les nations européennes ne le veuillent. Le débat est à ouvrir, au plus vite, et si ces élections européennes n’en sont pas l’occasion, si nous laissons les nouvelles extrêmes-droites en faire des élections nationales, nous choisirons l’effacement de l’Europe contre son affirmation, sa défaite contre sa renaissance.

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