Il n’y a pas une mais deux urgences. Pour faire face aux nostalgies impériales de Vladimir Poutine et au recentrage des Etats-Unis sur l’Asie, pour prendre, en un mot, son destin en mains et s’affirmer en puissance politique autonome sur la scène internationale, l’Union européenne ne doit pas seulement armer l’Ukraine et se réarmer.
Elle doit aussi se faire entendre au Proche-Orient où elle ne compte politiquement pas alors qu’elle y est économiquement tout. Un tiers des importations israéliennes vient de l’Union, premier partenaire commercial d’Israël mais aussi premier donateur d’aide à la Palestine qui sans les 27, ne pourrait simplement pas payer ses fonctionnaires. L’Union est l’incontournable partenaire de ces deux peuples mais alors même qu’elle défend le droit d’Israël à l’existence et à la sécurité et celui de la Palestine à se doter d’un Etat, alors même qu’elle a adopté dans ce conflit une position aussi équilibrée que constante, elle en reste aux mots, sans prendre d’initiative susceptible de faire avancer la paix.
L’Union ne paraît pas même se soucier de la possibilité que cette guerre ne la déstabilise en enflammant le Maghreb et le Machrek et ce n’est pas tout. Plus grave encore, sa passivité la fait d’ores et déjà accuser en Afrique, en Asie et jusqu’en Amérique latine de se ranger aux côtés du plus fort, d’Israël contre la Palestine.
Elle perd là des alliés et de vieilles amitiés. Elle dévalorise ce respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit dont elle est pourtant le plus vigilant des garants. Elle perd surtout des soutiens diplomatiques et politiques qui lui seraient extrêmement précieux dans sa défense de l’Ukraine, du droit international et de la stabilité du continent européen. Alors même que c’est dans une entreprise de reconquête d’un Empire perdu, dans une pure et simple guerre coloniale, que Vladimir Poutine s’est lancé, l’Union lui offre en un mot la possibilité de ranger d’anciens colonisés à ses côtés.
Cela ne peut plus et ne doit plus durer. Tout doit maintenant conduire l’Union à prendre la tête de la bataille pour la solution à deux Etats parce qu’elle dispose de leviers économiques lui permettant de le faire et que cette crise la met tout autant en danger que l’agression russe contre l’Ukraine. Il est temps que l’Union passe des mots aux actes, exige des Palestiniens comme des Israéliens un retour à la table de négociations et dise à haute et intelligible voix que le maintien de son aide aux premiers comme de son Accord d’association avec les seconds est désormais conditionné à leur bonne foi dans la quête d’un règlement.
Cette nécessité est tellement évidente que l’appel que trois autres eurodéputés et moi-même avions lancé en ce sens fin janvier a déjà recueilli 53 signatures au Parlement européen. Les choses bougent car si elle veut cesser de passer pour une organisation humanitaire, assurer la victoire de l’Ukraine et s’affirmer en puissance, l’Union doit savoir d’urgence montrer ses muscles partout où elle le peut, donner aux Ukrainiens les moyens de vaincre et parler aussi net au Hamas et à Benjamin Netanyahou qu’à Vladimir Poutine.