Mais pourquoi ? Et de quel droit ?  Tout simplement parce que je suis à la fois très européen et fraternellement lié à la Pologne depuis près d’un demi-siècle. C’est pour ces deux raisons que je souhaite la victoire de Rafal Trzaskowski, plus encore sa victoire que la défaite de son adversaire.

La jeune Pologne, celle qui n’a jamais connu le communisme, cette Pologne qui appartient si totalement au monde du 21ème siècle, a besoin de se sentir représentée et incarnée par un président aussi jeune qu’elle, par l’un de ses semblables, par ce jeune maire de Varsovie, en l’occurrence.

Cette Pologne-là ne peut pas éternellement rester en dehors des institutions représentatives de la démocratie polonaise sans finir par perdre foi en la liberté, en la politique, en l’espoir d’un monde toujours meilleur, en ces trois fois qui avaient tenu votre nation en rangs serrés face au partage du 19ème siècle et aux décennies de communisme.

Comme il y a plusieurs France ou plusieurs Amérique, il y a plusieurs Pologne, mais toutes doivent pouvoir exister sur la scène politique car le monopole d’un seul parti est toujours porteur de sclérose, d’abus et de rancune.

Mais ce n’est pas tout. J’ai trop passionnément aimé la Pologne de Solidarité pour admettre que celle à laquelle mes amis d’alors, vos héros, avaient donné naissance puisse tolérer la télévision et la Justice que l’on veut vous imposer. Je ne crois pas que Lech Kaczyński soit un dictateur. Je ne crois pas non plus que son parti soit d’extrême-droite ou fasciste. Ce ne sont là que mauvais procès, mais le fait est que la droite qu’ils représentent sent trop fort la naphtaline et voudrait vous ramener deux siècles en arrière, avant que les souffles du libre-arbitre, de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et de la libération de la femme n’aient transformé le monde.

Votre pays, ma Pologne, a besoin de respirer, de ne plus refuser les temps modernes qui sont là, de toute manière.

Et puis enfin, vous qui vous êtes tant battus pour réintégrer l’Europe et ne plus être cette « autre Europe » dont les démocraties parlaient aux temps communistes, vous ne pouvez pas aujourd’hui tourner le dos à l’Union, à notre unité. L’euroscepticisme ne peut ni ne doit exister en Pologne, dans le pays dont le courage et la constance anticommuniste ont permis de faire tomber le mur honnis qui nous divisait.

Il n’est pas possible que la Pologne de Jean-Paul II et de Jacek Kuroń, de Tadeusz Mazowiecki et de Bronisław Geremek, soit celle qui protège aujourd’hui le théoricien de l’illibéralisme, Viktor Orbán, des sanctions européennes qui devraient le frapper et soit en conséquence si injustement confondue dans le même opprobre.

Ca suffit ! La Pologne doit redevenir celle à laquelle le monde avait tant admiré.

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