Tribune parue dans Sud Ouest le 11 avril 2021

Par Bernard Guetta, député européen, membre de la majorité présidentielle

Dans cette tribune que publie « Sud Ouest », l’ex-éditorialiste et député européen Bernard Guetta montre que le président de la République a « une carte à jouer » pour être réélu

Tout dit qu’il ne sera pas réélu. Tout paraît le dire car même si la page de la pandémie finissait par se tourner et qu’on admettait alors qu’il n’a pas démérité dans cette bataille, Emmanuel Macron resterait identifié à des temps d’angoisse et de deuil.

Churchill lui-même n’avait rien pu faire contre ce désir d’oublier la guerre. Les électeurs français voudront tout autant oublier le Covid-19, et la politique ayant horreur du vide, la droite et la gauche sauront trouver des candidats à même d’enlever au chef de l’État l’atout d’un second tour face à Mme Le Pen. Tout dit qu’Emmanuel Macron est déjà battu, sauf…

Sauf qu’il a une carte à jouer. Une carte maîtresse car il aura été, qu’on le veuille ou non, l’homme qui a fait de la puissance publique le bouclier grâce auquel tant de salariés, d’artisans et de petits entrepreneurs n’ont pas plongé dans le dénuement. Par son « Quoi qu’il en coûte », Emmanuel Macron a sauvé des millions de Français d’un drame absolu et, par là même, il a réhabilité l’instrument de la solidarité nationale, cet État dont Margaret Thatcher et Ronald Reagan avaient dit qu’il n’était « pas la solution mais le problème ».

L’État protecteur

Ce président a démenti quarante années de révolution conservatrice et ce n’est pas tout. Il a aussi convaincu l’Allemagne et toute l’Union de rompre avec le tabou de l’endettement européen en empruntant en commun afin d’investir en commun dans une relance par l’innovation.

En France et dans toute l’Union, l’homme du « en même temps » a réhabilité tout l’héritage keynésien après avoir réhabilité l’État protecteur, et que se passe-t-il aujourd’hui ? Eh bien un an plus tard, les États-Unis proclament à leur tour que l’État peut être la solution, que c’est bien des investissements dans les infrastructures et l’innovation que viendra la relance de leur économie, qu’il faut en finir avec le dumping fiscal, qu’il n’est plus tolérable que tant de grandes sociétés contournent l’impôt et que la lutte contre la misère n’est pas qu’affaire de moralité mais également de bonne gestion car de la consommation naissent la croissance et l’emploi.

Théoriser la rupture

Le vent tourne. L’État revient. Keynes sort de l’ombre à laquelle l’avait cantonné l’invisible main du marché et ce tournant, le président français l’avait anticipé et précipité. Qu’il revendique maintenant ce changement d’époque et incarne ce qu’il a été depuis le début de la pandémie, qu’il n’attende plus un instant pour s’identifier et identifier la France à cet incontournable retour de l’État, qu’il renverse la table et tout change.

Tout change dans le débat national, dans le débat européen et dans le débat international. Tout change aussi, bien sûr, dans l’élection qu’Emmanuel Macron a pour l’instant perdue et c’est si vrai que s’il n’osait pas théoriser cette rupture avec le reagano-thatchérisme, proposer un nouveau consensus social et nous projeter ainsi dans un siècle nouveau, d’autres le feraient à sa place, à gauche, à droite, à l’extrême-droite, et il ne serait pas seulement battu au printemps prochain.

Du même coup, il aurait fait prendre un grand retard à la France, à l’Union européenne et à la démocratie car, centriste et venu du libéralisme, Emmanuel Macron est de loin le mieux placé pour convaincre nos 26 partenaires de continuer à enterrer l’École de Chicago, de redéfinir et revaloriser l’État stratège, de marcher, comme les États-Unis, vers un nouveau New Deal et de faire de nos succès communs une victoire de la démocratie sur ses détracteurs chinois et russes.

Voir l’article :

https://www.sudouest.fr/politique/emmanuel-macron/tribune-son-quoi-qu-il-en-coute-l-atout-gagnant-d-emmanuel-macron-pour-2022-2114761.php

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