On ne changera bien évidemment pas tout en quelques mois. Même ceux qui le souhaiteraient ne peuvent pas espérer que cette Conférence sur l’avenir de l’Europe à laquelle on parvient enfin ne débouche immédiatement sur une Europe de la Défense ou, moins encore des Etats-Unis d’Europe. En scindant les objectifs entre projets à long terme et réformes immédiates nous pourrions toutefois faire prendre à l’Union d’essentiels et irréversibles tournants.

Un premier exemple. Quel qu’en soit le besoin, nous ne passerons pas rapidement de l’unanimité à la majorité qualifiées dans tous les domaines. Ce ne sera notamment et malheureusement pas possible en politique étrangère mais rien n’empêcherait plus aujourd’hui d’abandonner l’unanimité en matières fiscale et sociale pour arriver à une harmonisation dans ces domaines et pouvoir mettre fin aux pratiques de dumping créant d’intolérables distorsions de concurrence, d’injustices sociales et de pertes de rentrées dans les caisses communes.

Deuxième exemple. Si forte soit-elle, aucune volonté politique ne permettrait la création immédiate d’une armée commune aux 27 Etats membres mais, s’il faut aller vers une Défense commune, n’y aurait-il pour autant pas de pas que nous puissions faire sans plus attendre ? Il y en a même plusieurs puisque rien ne nous interdit de développer des opérations communes au Sahel ou en Mer de Chine méridionale ; de ne plus nous contenter de financer mais de monter ensemble des missions humanitaires avec déploiement d’hôpitaux de campagne, acheminement de vivres et sécurisation des zones de secours sous drapeau européen ; que tout nous oblige, surtout, à développer ensemble les armes du futur qu’aucun de nos pays n’aurait les moyens de développer seuls.

Les drones de demain, les armes et la sécurité de l’espace, la cyberguerre, l’assistance militaire à une région  proche ou la lutte contre les armes biologiques sont par excellence des terrains sur lesquels bâtir la Défense européenne de demain car nous partirons là de zéro ou presque, aurons tout à bâtir et concevoir et pourrons donc le faire à 27 ou plusieurs en tout cas.

Troisième exemple. Personne ne pourrait remodeler par décrets nos échiquiers politiques bien que naissent pourtant – on le voit toujours plus nettement au Parlement européen – d’un côté, un grand parti conservateur réunissant les extrêmes-droites et la droite de la droite et, de l’autre, un grand parti démocrate allant, comme aux Etats-Unis, des gauches utopistes à un vaste centre libéral et social.

En pointillés, cette évolution mettra longtemps à se faire mais on peut la précipiter en substituant aux listes nationales concourant aux élections européennes  des listes transnationales obligées de dépasser les particularismes nationaux et  définir des programmes paneuropéens. La démocratie européenne en deviendrait autrement plus vivante et lisible et il y aurait, en conséquence, un vrai sens à ce que la présidence de la Commission revienne automatiquement à la liste ou à la coalition arrivée en tête.

Là encore, un petit pas en annoncerait de grands mais un autre exemple encore. Si l’Union européenne se doit – et c’est bien le cas – de prendre la tête de la lutte contre le réchauffement climatique, pourquoi devrions-nous continuer à vouloir sauver à coup de centaines de milliards d’euros nos compagnies aériennes nationales plutôt que de constituer deux ou trois compagnies européennes, quatre au grand maximum, et d’investir l’argent économisé dans un réseau de trains à grande vitesse, roulant nuit et jour, couvrant tout le territoire de l’Union et allant jusqu’à des pays qui, sans devenir des Etats membres, seront toujours plus proches de nous ?

Pourquoi ne pas inventer… Tiens, disons Allegra Europa, l’Airbus du rail, précurseur de grands projets industriels communs dans la voiture électrique, la recherche médicale ou les centre européens de recherche universitaires que nous pourrions bien évidemment créer à Strasbourg.

A coup d’avancées limitées mais porteuses d’avenir dans le social et la fiscalité, la Défense, la politique et l’industrie, nous pouvons amorcer et fonder cette confédération d’Etats indépendants dans une interdépendance toujours croissante qui aura pour nom les Etats-Unis d’Europe.

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