Ce qui se cherche en Israël n’est pas qu’israélien. C’est également hongrois, américain, russe, international en un mot, car derrière cette tentative de substituer à l’inamovible Benjamin Netanyahou une « coalition du changement » regroupant tous les partis à l’exception du sien, il y a l’indispensable quête de renouveau exigée par le bouleversement général des frontières politiques.
Prenons la Hongrie. A Budapest comme à Tel Aviv, règnent depuis plus d’une décennie des Premiers ministres autoritaires et d’ailleurs très proches qui avaient assis leur pérennité sur la dispersion des forces d’opposition et l’affirmation d’une figure de père de la nation. Viktor Orban se croyait aussi invincible que Benjamin Netanyahou mais vingt mois avant les Israéliens, les Hongrois ont inventé le tous contre un, tous unis contre Orban, et remporté les municipales de 2019 en s’adjugeant les dix premières villes du pays. De l’extrême-gauche à l’extrême-droite, ce succès a si bien soudé les opposants qu’il n’est plus impossible qu’ils mettent Viktor Orban à la retraite aux législatives de l’année prochaine et qui, aux Etats-Unis, a battu Donald Trump ?
Ce n’est pas un homme mais la volonté commune de tous les défenseurs de la démocratie, des nouvelles gauches au centre-droit, de serrer les rangs derrière Joe Biden et de voir ensuite, une fois Trump évacué. Elle aussi, cette coalition était improbable mais l’arme du tous contre un est également russe car pourquoi Vladimir Poutine a-t-il fait empoisonner puis emprisonner Alexeï Navalny ?
La raison en est que cet homme avait conçu l’idée du « vote utile », d’un appel à donner sa voix à n’importe quel parti, communiste, nationaliste ou autre, pourvu qu’il ne soit pas celui du président. Il s’agissait par-là d’affaiblir et humilier Vladimir Poutine aux législatives de septembre prochain et la question du programme ne se posait pas plus aux démocrates russes qu’aux démocrates hongrois et américains.
C’est chaque chose en son temps et Yaïr Lapid, le concepteur du tous contre un israélien, a commencé à théoriser cette démarche en expliquant qu’il fallait à son pays « un gouvernement montrant que nous ne nous haïssons pas tous et au sein duquel gauche, droite et centre travaillent ensemble à la résolution de nos défis économique et sécuritaire ». Chef de file de la gauche de la gauche, Mossi Raz a ajouté que la coalition du changement « ferait beaucoup de bonnes choses » mais qu’il n’était pas certain que « la paix en fasse partie ».
La coalition israélienne envisagerait autrement dit de s’attaquer d’abord à ce qui unit et non pas d’abord à ce qui divise. On retrouve cette même idée de recherche d’un consensus national chez Joe Biden, Alexeï Navalny et les opposants hongrois. Il y a dans cet air du temps une ambition de reconstituer les bases d’une unité nationale et d’un libre débat politique entre partis concourant tous à la démocratie. Le reste suivra et il est frappant que le « changement » israélien passe par l’intégration de partis arabes au jeu parlementaires puisque deux d’entre eux apporteraient leurs voix au nouveau gouvernement. Ce serait du jamais vu, l’indispensable normalisation des esprits qui est la condition sine qua non de la paix.
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