On aurait dit un mariage, peut-être une cousinade, je ne sais pas, mais une fête de famille en tout cas. Hormis le cousin Boris qui faisait un peu figure d’embarras, chacun semblait d’ailleurs de si bonne humeur que ces retrouvailles occidentales ont fait entendre trois messages d’importance.
Le premier est que la Chine, cette Chine qui inquiète tant ses voisins asiatiques, les Etats-Unis et maintenant l’Europe, cette Chine dont on ne cesse de dire qu’elle aura tôt fait de dominer le monde après l’avoir sillonné de ses routes de la soie, eh bien non, ce n’est pas encore gagné pour elle.
Ses atouts sont considérables. Simple usine du monde hier, elle excelle désormais dans l’intelligence artificielle et la haute-technologie. Non seulement la Chine n’est plus seulement un réservoir de main-d’œuvre à bas coût mais ses armées, sa marine avant tout, font aussi d’elle une puissance militaire dont la force grandit chaque jour.
C’est pour cela que les Etats-Unis en sont venus à la voir comme une menace dont ils doivent contrer l’essor mais, face à un front uni occidental, il n’y a plus de siècle chinois, plus de prééminence chinoise, plus de nouvelle ère chinoise.
A eux deux seuls, les Etats-Unis et l’Union européenne laissent la Chine loin derrière eux. A elles toutes, les sept plus riches des démocraties, ce G7 qui se retrouvait ce week-end aux Cornouailles, relativisent considérablement la renaissance de la Chine et c’est si vrai que M. Xi l’a lui-même admis.
Dix jours avant cette fête de famille occidentale, il est allé dire à son Bureau politique, le 2 juin, que la Chine devait donner d’elle une image « plus fiable, aimable et respectable », se montrer « humble et modeste », « gagner la confiance de la majorité et étendre sans arrêt le cercle de ses amis » – faire, en un mot, tout le contraire de qu’elle fait depuis qu’il a pris les commandes de son Etat-parti.
C’était une autocritique en bonne et due forme et que Xi Jinping y ait ou non été contraint par un affaiblissement au sein de la direction, ce constat d’échec traduit une réalité. A force d’arrogance, la Chine s’est isolée. A force de montrer ses muscles et à le faire trop tôt, avant de vraiment avoir les moyens de s’imposer en hyperpuissance du XXI° siècle, elle a ligué contre elle trop de gens sur trop de continents.
Cela ne signifie pas qu’Européens et Américains soient totalement sur la même longueur d’ondes vis-à-vis de Beijing. Japonais et Indiens, Australiens et Sud-Coréens, ne le sont pas non plus mais tous serrent les rangs face à ce que tous ressentent comme une menace commune et, par ricochet, ce front commun vient renforcer Joe Biden dans la partie qu’il ouvre mercredi avec Vladimir Poutine.
C’est la deuxième chose que disent ces images des Cornouailles car le contraste est grand avec les temps où l’on ne voyait qu’une Russie ascendante et des Occidentaux désemparés.
Les Occidentaux ont aujourd’hui retrouvé une unité perdue depuis la guerre d’Irak tandis que M. Poutine en est réduit à toujours moins déguiser sa dictature tant il craint que le moindre semblant de liberté ne lui fasse perdre les législatives de septembre prochain. C’est un homme en perte de vitesse que le président américain va rencontrer à Genève, un homme qui a besoin d’un nouveau modus vivendi avec les Etats-Unis pour rétablir son économie et se sortir des bourbiers dans lesquels il s’est mis en Ukraine comme en Syrie.
Quant au troisième enseignement des Cornouailles, il est qu’on y a entendu un président des Etats-Unis déclarer que « l’Union européenne était une entité très forte (et) une colonne vertébrale de l’Otan ».
Ces quelques mots comptent. Ils pèseront lourd dans les années à venir car ils signifient qu’à l’heure du défi chinois, les Etats-Unis ont besoin d’une Union assez forte pouvoir partager avec eux le fardeau de l’Alliance atlantique et de la solidarité des démocraties.
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