Elle n’oubliait qu’une chose. Jeudi dernier, après que le Conseil européen eut refusé son idée d’un sommet entre les 27 et Vladimir Poutine, Angela Merkel n’avait pas tort de rappeler que personne n’avait reproché à Joe Biden son tête-à-tête avec le président russe. Elle voulait dire par-là que les Européens n’avaient pas de raison de s’interdire ce que les Américains font mais tout le problème est que les Etats-Unis sont un Etat alors que l’Union européenne n’en est pas un.

Lorsque le président américain s’assied face à Vladimir Poutine, il est les Etats-Unis, leur politique étrangère, leur puissance militaire et leur poids économique. Face au président russe, les 27 ne sont eux qu’un géant économique aux pieds d’argile car ils n’ont pas de Défense commune et ne partagent pas même une vision de la manière de procéder avec lui.

A 27+1, Vladimir Poutine aurait joué sur du velours mais cela ne signifie pas que les Européens ne puissent rien faire d’autre qu’encore et toujours sanctionner son régime.

Réagir contre l’annexion de la Crimée ou l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, c’est bien. C’est nécessaire. C’est même indispensable mais il faut aussi agir et le meilleur moyen de le faire, le seul peut-être, serait de commencer par dire quelles relations nous souhaiterions établir avec la Russie et à quelles conditions.

Nous n’aurions aucune difficulté à le faire car, avec la Russie, nous voulons tous la même chose, nous l’Union, ses 27 Etats membres et ses quelque 450 millions de citoyens. 

Nous souhaitons pouvoir coexister et coopérer sur un continent stabilisé par le respect des frontières nées de l’éclatement soviétique. Nous souhaitons que la Russie prenne acte de la fin de son Empire comme l’ont fait l’Autriche et la Turquie, la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, la Belgique et les Pays-Bas.

Nous souhaitons que la Russie cesse de s’ingérer dans la politique intérieure des Etats indépendants que ses anciennes possessions sont devenues il y a trois décennies. Nous souhaitons que la Russie parvienne à établir la démocratie à laquelle aspire sa population. Nous soutiendrons cette aspiration en affirmant notre propre démocratie et notre solidarité politique avec les démocrates russes mais souhaitons jeter les bases d’une coopération économique, industrielle et culturelle avec la Russie sitôt qu’elle se conformera aux obligations internationales auxquelles l’engage sa signature.

C’est la proposition que nous faisons à la Russie.

Nous devrions la faire publiquement pour que plus un seul Russe ne puisse ignorer que nous ne voulons ni agresser, ni encercler, ni menacer son pays mais lui tendons au contraire la main. Tant que de réels progrès n’auront pas été faits sur la voie d’une entente, nous ne devrions pas lever nos sanctions. Nous devrions aussi le dire mais devrions nous atteler dès aujourd’hui à la rédaction d’une Adresse à la Russie énonçant nos propositions et, dès sa publication, nous devrions mandater des représentants de l’Union pour ouvrir des discussions avec les dirigeants russes.

Eux aussi ont des conditions à faire valoir. Toutes ne sont pas forcément illégitimes et nous devrons forcément les prendre en compte pour chercher et trouver des compromis acceptables. Cette définition de nos objectifs, l’Adresse à la Russie puis des négociations – cela, l’Union devrait et pourrait le faire mais un sommet à 27+1, non, Mme Merkel, désolé, mais ce n’était pas la bonne idée.

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