Ces partis nationalistes, auront finalement clarifié quatre choses d’un coup. En cosignant vendredi leur déclaration de guerre à l’approfondissement de l’unité européenne, ils ont d’abord tué l’idée d’une fracture est-ouest au sein de l’Union.
Ce mythe ne cessait de croître. La coupure introduite au dernier Conseil européen par les lois homophobes de Viktor Orban avait même quasiment officialisé l’existence de deux Europe, libérale à l’Ouest et réactionnaire à l’Est, quand soudain…
Faisons le compte. Sur ces seize partis qui viennent de déclarer leur refus de toute évolution vers une unité politique de l’Union, combien sont-ils nés dans des pays de l’ancien bloc soviétique ? Est-ce l’écrasante majorité d’entre eux ? Une majorité au moins ? Eh bien non ! Pologne et Roumanie, Estonie et Hongrie, Lituanie et Bulgarie, cela en fait six en tout contre dix partis de l’ancien monde libre, à peine plus d’un tiers du total en un mot.
On pourrait objecter que sur ces six partis, deux sont au pouvoir depuis de nombreuses années, le PiS polonais et le Fidesz hongrois. C’est un fait, mais devrait-on oublier pour autant que la Lega appartient à la coalition de Mario Draghi après s’être longtemps partagé les portefeuilles italiens avec les 5 Etoiles ? Ou faudrait-il ignorer que le FPÖ était, il y a peu, à la tête de ministères-clés à Vienne, que Mme Le Pen pourrait menacer la réélection d’Emmanuel Macron, que l’affaiblissement politique du PiS et du Fidesz pourrait bien les renvoyer dans l’opposition aux législatives hongroises et polonaises de 2022 et 2023 et que le rejet des pouvoirs autoritaires et corrompus mobilise en masse Roumains, Bulgares ou Slovènes ?
L’extrême-droite nationaliste et souverainiste n’a rien d’un monopole de l’ancien bloc soviétique. Ce manifeste en est la preuve et son deuxième enseignement est que l’extrême-droite elle-même n’ose plus démoniser l’Union.
A la dernière présidentielle française Mme Le Pen qualifiait l’Union européenne de « prison des peuples », applaudissait au Brexit et voulait sortir de l’euro. Son ami Salvini était sur la même ligne mais ils ont maintenant signé un texte reconnaissant que « le processus d’intégration a fait beaucoup pour créer des structures de coopération durables et maintenir la paix, la compréhension mutuelle et de bonnes relations entre Etats ».
« Ce travail doit se poursuivre » estiment en conséquence ces partis qui paraissent avoir enfin compris que les Européens rejetaient l’idée de revenir sur leur unité en abandonnant l’Union. Hier totalement europhobe, l’extrême-droite s’est ralliée vendredi à l’Union européenne en actant son enracinement mais que propose-elle alors aux 27 nations qui la composent ?
Eh bien à l’heure, où il nous faut jeter les bases d’une Défense commune, investir en commun dans les industries du futur, bâtir une politique paneuropéenne de la santé publique, lutter ensemble contre le réchauffement climatique et affirmer notre autonomie sur la scène internationale pour ne pas nous laisser marginaliser par le bras-de-fer sino-américain, les seize proposent de passer… au point mort.
Ils ne proposent pas de nouvelles idées et encore moins de nouvelles politiques. Non, bien au contraire, car alors même qu’il nous faudrait apprendre à aller de l’avant à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité, alors qu’il nous faudrait savoir décider et agir sans plus laisser passer les trains, l’extrême-droite propose d’en rester à cette exigence de consensus qui ralentit tant le fonctionnement de l’Union et, si souvent, la paralyse. Il faut en rester là, dit-elle, pour respecter la souveraineté des nations, leurs « traditions » et leur héritage judéo-chrétien.
Pour dire les choses, le troisième enseignement de ce texte est l’indigence intellectuelle de ces partis qui confondent traditions et refus du mouvement, héritage du passé et surplace, réformes et retour en arrière. Quant au quatrième enseignement de cette déclaration de guerre à l’émergence d’une Europe politique, il est que l’extrême-droite européenne est un invraisemblable salmigondis d’adversaires (flamands) et de partisans (espagnols) des unités nationales, de défenseurs et de pourfendeurs de la protection sociale, de proches amis et d’irréductibles ennemis de M. Poutine. On comprend que ces gens ne veuillent pas d’une Europe politique. Ils seraient incapables de la gouverner.
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