Les raisons de Joe Biden, je les comprends. Il a une économie à relancer. Il doit convaincre les classes moyennes de ne pas redonner, en 2022, le contrôle du Congrès à Donald Trump. Sa priorité est de relever le défi chinois et il devrait s’enferrer plus encore en Afghanistan dont les Taliban contrôlent déjà plus des trois quarts du territoire ?

Je comprends qu’il ne le veuille pas mais n’en ai pas moins honte, affreusement honte, devant les hommes et les femmes que nous allons abandonner à ces barbares illuminés qui interdisent les écoles aux filles afin qu’elles ne connaissent rien d’autre que la soumission.

Je dis bien « nous » car la majeure partie des Etats de l’Union appartiennent à l’Otan qui était intervenue en Afghanistan aux côtés des Etats-Unis. C’était après les attentats du 11 septembre. C’était après que les Taliban eurent refusé d’extrader Ben Laden. Pleinement justifiée, cette intervention pouvait, surtout, être une réussite car les Afghans aspiraient à la liberté mais, lorsque Georges Bush a réinvesti en Irak une si large part de l’argent et des troupes nécessaires à l’Afghanistan, nous n’avons rien fait pour empêcher cette invraisemblable folie qui allait conduire à la résurrection des Taliban.

La France, l’Allemagne et la totalité des opinions publiques européennes s’étaient bien sûr mobilisées contre l’aventure irakienne mais nous n’avions su ni l’empêcher ni sauver les Afghans de cette trahison. Nous n’étions pas assez forts pour cela et à l’heure où les Américains plient bagage et détournent leurs regards de ceux qu’ils abandonnent, nous ne sommes toujours pas à même de sauver l’honneur des Démocraties.

Nous partons, nous aussi. Nous aussi, nous fermons nos oreilles au drame de tant d’hommes et de femmes qui avaient cru que nous étions vraiment là pour les aider à combattre l’obscurantisme et les en protéger. Nous ne pouvons évidemment pas rester seuls.  Je comprends que nous partions mais j’ai honte et, dans cette honte abyssale, je ne suis sûr que de deux choses.

La première est que l’on ne doit pas intervenir dans un pays étranger au nom de la démocratie si l’on n’est pas certain de pouvoir et vouloir y rester assez longtemps pour la faire triompher. Il ne faut plus jamais le faire car nous décuplons alors les malheurs des peuples que nous sommes censés aider, convainquons plus encore les adversaires de la démocratie que nous ne serions que des tigres en papier et nous infligeons à nous-mêmes des défaites dont les dictatures, iranienne et turque en l’occurrence, tirent aussitôt avantage. 

Quant à la seconde leçon à tirer de cette infamie afghane, elle est que notre Union doit enfin devenir, demain, au plus vite, une puissance autonome à même de décider de sa politique et de la mener en acteur essentiel de la scène internationale.

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