Rien n’interdirait d’inverser. En Bosnie-Herzégovine, nous pourrions pour une fois organiser une conférence de paix avant et non pas après la guerre, avant que ne se multiplient massacres et crimes de guerre et non pas après qu’ils n’aient fait des centaines de milliers de nouvelles victimes venues s’ajouter à celles des années 90 car enfin…

Tous les voyants s’allument. Les dirigeants de la moitié serbe de ce pays confédéral menacent maintenant de former leur propre armée, autrement dit de faire sécession puis d’aller se fondre dans la Serbie. Le président serbe, Aleksandar Vucic, encourage toujours moins discrètement une évolution confortant son nationalisme et, dans l’ombre, Vladimir Poutine savoure et appuie l’affirmation de ses cousins slaves et la crise qui pourrait s’ensuivre aux marches de l’Union européenne.

Quant à la partie Croato-musulmane de la Bosnie-Herzégovine, sa nervosité grandit puisque c’est une guerre civile qui menace, que les Musulmans se demandent ce qu’ils deviendraient si le pays éclatait et que les Croates bosniens et la Croatie envisagent naturellement la création d’une grande Croatie si une grande Serbie devait voir la jour.

Si rien n’est fait, c’est inexorablement que tout mènera à la guerre et la question est donc de savoir quoi faire et vite.

Le plus simple serait bien sûr de précipiter un nouvel élargissement de l’Union européenne en y faisant entrer la Serbie et tous les autres Etats issus de l’ancienne Yougoslavie, Bosnie-Herzégovine comprise. Ce serait le moyen de fixer les frontières actuelles, d’aider au développement de ces pays et, partiellement au moins, de les soustraire aux manœuvres de captation qu’y mènent la Russie, la Turquie et désormais la Chine.

Au Parlement européen et dans bien des capitales, nombreux sont ceux qui plaident en faveur de cette accélération mais elle n’est ni possible ni souhaitable. Les opinions européennes ne veulent aujourd’hui pas de nouveaux élargissements. L’Union ne peut pas admettre de nouveaux Etats-membres avant d’avoir réformé son fonctionnement et défini ses ambitions politiques pour le prochain quart de siècle. Elle ne peut pas non plus admettre en son sein d’Etats n’ayant pas réglé leurs questions frontalières. L’Union, enfin, se tirerait dans le pied en ouvrant ses portes à d’aussi petits Etats que le Monténégro et le Kosovo car ils donneraient un pouvoir de veto à des populations moins larges que celles de beaucoup de villes européennes.

L’élargissement à l’ensemble des Balkans n’étant aujourd’hui pas envisageable reste donc l’idée qu’une Conférence de paix préventive tente de mettre un vrai point final à la guerre de partage de la Yougoslavie qui avait déchiré les Balkans dans les années 90.

Face aux menaces de guerre civile, il faudrait d’abord demander aux population de la Bosnie-Herzégovine si elles souhaitent continuer à cohabiter dans l’Etat commun que les Etats-Unis et l’Europe avaient voulu faire survivre à la Yougoslavie par les Accords de Dayton. Si la réponse est « oui », il faudra proposer de nouvelles institutions, respectant d’indispensables autonomies culturelles mais réellement inclusives. Si la réponse est « non », il faudra à l’inverse négocier un partage territorial et ouvrir la voie à la création d’un Singapour musulman et au rattachement des parties serbe et croate à la Serbie et la Croatie.

La définition de ce partage sera complexe puisque les populations serbe et croate sont imbriquées en bien des points du pays mais vaut-il mieux partager par le glaive ou par la négociation, par un embrasement régional ou par une Conférence de paix parrainée par l’Union ?

La réponse est dans la question et, dans le même mouvement, il faudra travailler à des fusions entre, d’une part, le Kosovo albanais et l’Albanie et, de l’autre, le Monténégro et la Serbie afin de constituer des Etats fédéraux mais unitaires.

L’Union pourrait considérablement y aider en faisant valoir qu’il s’agirait là de conditions sine qua non à tout processus de rapprochement avec elle – complet accord d’association dans un premier temps puis intégration progressive à l’un des cercles, économique, politique ou les deux, de la future Union.

Rien ne sera simple. Le succès n’est pas assuré mais, face au danger d’une nouvelle guerre, l’Union se décrédibiliserait à ne pas même tenter la paix.

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