Il n’a rien d’irrésistible. Il nous menace, brandit son arsenal nucléaire et affirme voir des « déclarations de guerre » dans nos sanctions économiques et nos prochaines livraisons d’armes à l’Ukraine mais observons-le un instant.

Lorsqu’on est sûr de soi, on n’aboie pas tant. Lorsqu’on se sent fort, on n’éructe pas comme un possédé et si M. Poutine parvient si peu à garder son calme, c’est qu’absolument rien n’est susceptible de le rassurer. La résistance de l’Ukraine ne cesse de s’affirmer et mobilise une part toujours croissante de sa population qui prend les armes dans un stupéfiant élan national. Les sanctions européennes et américaines sont tellement massives et vont tant s’alourdir que l’économie russe ne tardera plus à sérieusement s’essouffler. La peur d’une faillite de la Russie grandit dans les milieux d’affaires et le pouvoir craint tant que le rejet de cette aventure ne s’approfondisse parmi les Russes eux-mêmes qu’il a interdit l’emploi du mot de « guerre » sous peine d’invraisemblables peines de prison.

Et puis il y a l’opinion, européenne, américaine, mondiale, que ces bombardements horrifient chaque jour plus car chacun voit bien que leur seule explication tient à la fureur impériale d’un homme qui ne se contrôle évidemment plus. 

Cet homme a perdu. Politiquement parlant, il a d’ores et déjà perdu parce qu’il n’a pas su briser l’Ukraine en deux jours par la seule vertu d’un mouvement de troupes mais peut-on encore l’empêcher de s’adjuger une victoire militaire qu’il ne craindra pas de payer d’innommables bains de sang ?

Eh bien oui, la réponse est oui : M. Poutine n’est pas irrésistible. Il est résistible, mais à deux conditions.

La première est que nous cessions de craindre cette Troisième guerre mondiale qu’il nous promet matin, midi et soir. Il n’est pas certain que cet Ubu ait encore toute sa raison mais il lui en reste tout de même assez pour ne pas déclencher une apocalypse nucléaire à laquelle sa chaîne de commandement ne souscrirait en tout cas pas.

Même l’emploi d’un bombe tactique est hautement improbable et l’alternative devant laquelle nous nous trouvons est ainsi claire.

Ou bien nous ne bougeons pas pendant les longues semaines qu’il faudrait à M. Poutine pour écraser l’Ukraine et les Démocraties perdent toute crédibilité. Le régime chinois se sentirait alors libre de dicter sa loi à toute l’Asie et d’abord à Taiwan. Rien ne retiendrait plus les mouvements djihadistes de se relancer à l’assaut des mondes arabes, de l’Europe et des Etats-Unis et M. Poutine triomphant passerait bien évidemment, lui, à la reconquête de la Moldavie, de la Géorgie et de l’ensemble de l’Empire perdu.

Par crainte d’une guerre, nous aurions à en mener au moins trois de front et dans des conditions autrement plus difficiles alors qu’une autre possibilité s’offre à nous : celle de simplement dire hautement et clairement « non ».

Rien ne nous empêche de véritablement et massivement armer l’Ukraine, non seulement de la doter d’une aviation comme les Etats-Unis semblent s’y décider mais de lui fournir les plus sophistiqués de nos armement et d’éventuellement aller jusqu’à la faire épauler par des contingents internationaux de soldats aguerris n’ayant rien à envier aux mercenaires dont M. Poutine inonde l’Afrique.

Cela nous permettrait d’imposer un rapport de forces à partir duquel s’imposerait une négociation visant à définir autour d’un tapis vert les mesures de confiance et de stabilité éloignant à jamais l’ombre de la guerre du ciel européen.

Ce n’est pas en paniquant mais en relevant le gant que nous éviterons les plus grands dangers mais la fermeté ne suffira pas.

Il nous faut aussi un allié et cet allié, c’est la Chine qui n’aurait aucun intérêt à laisser le monde s’enfoncer dans un chaos militaire alors que sa puissance économique et sa stabilité politique dépendent entièrement du commerce international.

C’est tellement évident que la Chine se garde aujourd’hui d’applaudir M. Poutine. Elle lui prête la main dans l’arène diplomatique mais hésite en fait entre une sourde mais évidente inquiétude et la satisfaction de voir les Etats-Unis obligés de revenir sur le théâtre européen et délaisser l’Asie. Tant que la crise demeure circonscrite, la Chine se laisse aller à une joie mauvaise mais dès qu’elle nous verrait ne plus nous cacher et faire face, elle comprendrait le danger qu’elle court et se démarquerait assez de M. Poutine pour que sa solitude le ramène à plus de sobriété.

Contre l’Ubu russe, nous aurons besoin du tyran chinois. Ce ne sera ni plaisant ni gratuit mais les Démocraties n’avaient certainement pas eu tort de s’allier à Staline pour défaire Hitler.     

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