On ne comprend pas le désaccord. On ne comprend pas qu’il impose de réunir, ce lundi, les représentants des 27 Etats membres tant la question est simple. Si nous souhaitons, nous les Européens, contribuer au succès de la mobilisation décrétée par Vladimir Poutine, nous fermons nos frontières aux candidats à la désertion. Comme nous ne le souhaitons pas et voulons, au contraire, que le plus grand nombre possible de jeunes Russes refusent de prendre part à l’agression contre l’Ukraine, nous leur ouvrons nos frontières.

Il n’y a pas de choix plus clair mais les Pays baltes, la Finlande et la Pologne, des pays dont la dénonciation de Vladimir Poutine et de ses crimes de guerre est pourtant sans ambiguïté, entendent refuser leur protection aux Russes fuyant la mobilisation.

Leur première raison, celle que tous invoquent, est la sécurité. Ils craignent, disent-ils, que les services russes ne puissent mêler aux déserteurs nombre de leurs agents chargés de semer des troubles ou d’assez bien s’intégrer pour devenir d’insoupçonnables espions.

C’est indéniablement un danger mais les services russes ont aujourd’hui tant à faire pour briser, en Ukraine, la résistance des zones occupées et prévenir, en Russie, tout vrai mouvement anti-guerre qu’ils n’ont guère de temps à consacrer à la constitution de nouveaux réseaux en Europe. Ce danger n’est pas à surestimer et l’on pourrait aisément le parer en répartissant ces déserteurs entre les 27 Etats de l’Union qui auraient alors tout loisir d’étudier leur dossier cas par cas.Quant à la seconde raison opposée à l’accueil des candidats à la désertion, elle vient essentiellement des Pays baltes. « Beaucoup des Russes qui sont en train de fuir la mobilisation étaient d’accord avec le fait de tuer des Ukrainiens », déclare le ministre letton des Affaires étrangères. « L’octroi d’une protection aux déserteurs, ajoute le ministre estonien de l’Intérieur, serait en contradiction avec des sanctions visant la responsabilité collective des citoyens russes ».

L’idée est là qu’il faudrait punir tous les Russes pour les crimes du Kremlin, exactement comme si l’on avait voulu imputer les crimes du nazisme à tous les Allemands, même à ceux qu’Hitler avait envoyés en camps. Ce n’est pas la position du président ukrainien qui, en russe, a appelé les jeunes Russes à déserter. Il l’a fait parce qu’il veut évidemment éviter que les effectifs russes ne se renforcent mais, comme beaucoup de leurs compatriotes, c’est à l’après-guerre que pensent ces ministres baltes.

Ils ne veulent pas qu’on puisse dire alors que Poutine n’était pas toute la Russie. Ils veulent, au contraire, que toute la Russie soit reconnue coupable des crimes de Poutine afin qu’elle soit ostracisée, affaiblie, si possible divisée, et ne puisse plus les menacer.

Ce qu’ils veulent, c’est que soit infligé à la Russie le traitement qu’avait subi l’Allemagne à la fin de la Première guerre mondiale et non pas, surtout pas, celui dont elle avait bénéficié à la fin de la Seconde. On peut le comprendre car ces pays ont toute raison historique de n’avoir que méfiance et ressentiment vis-à-vis de la Russie mais le Traité de Versailles avait accouché du nazisme alors que le Plan Marshall a, lui, permis l’émergence d’une démocratie exemplaire.

Les victimes ne sont pas toujours bons juges et, quoi qu’il en soit, la question est simple : veut-on contre-carrer les efforts de M. Poutine ou l’aider à mobiliser ?

Ecouter sur Euradio : https://euradio.fr/emission/9wRK-lhumeur-europeenne-de-bernard-guetta/43kn-aider-les-deserteurs-ou-aider-poutine-lhumeur-europeenne-de-bernard-guetta

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