La coupable a un nom. Si Benjamin Netanyahou vient de l’emporter, en Israël, aux côtés d’une extrême-droite religieuse et raciste, si Lula n’a été élu que de si peu, au Brésil, contre un sortant aussi grotesquement machiste que totalement incapable, si Mme Melloni dirige l’Italie tandis qu’une coalition des droites et d’anciens nazis a pris les commandes à Stockholm, que Donald Trump annonce son retour et que le Rassemblement national n’est plus loin de réunir une moitié des suffrages en France, la faute en est à Margaret Thatcher.

Elle n’en est bien sûr pas directement responsable mais son triomphe et son héritage le sont car elle avait si bien réussi à exprimer le rejet du « Trop d’Etat » par les classes moyennes que la « révolution conservatrice » aura refaçonné le monde jusqu’à nos jours.

Or quelles ont été les conséquences de cette révolution ?

Les inégalités se sont spectaculairement accrues. Le recul de la pression fiscale a limité la redistribution et le financement des services publics qui s’en sont affaiblis. Les délocalisations vers des pays à bas coût de production ont exercé une forte pression sur les salaires en raréfiant l’emploi et accroissant le chômage. Le développement du libre-échange, enfin, a eu nombre d’effets pervers.

Il a sorti de la misère des centaines de millions de personnes qui ont soudain pu travailler pour l’exportation vers les pays les plus développés. Il a parallèlement permis aux moins riches des Européens et des Américains de s’équiper, se vêtir et même se nourrir en déboursant moins. Ce n’est certainement pas négligeable. Les apôtres de la Dame de fer n’ont pas tort de le dire mais, sans même parler de ses ravages sur l’environnement, le libre-échangisme a également paupérisé les classes moyennes et fait de la Chine une superpuissance en position de concurrencer nos industries de pointe et de menacer la paix en bouleversant les rapports de force internationaux les plus établis.

Pertes et profits, le bilan du thatchérisme reste à faire mais une chose est déjà sûre. Alors même que les extrêmes-droites restaient écartées du pouvoir par la défaite de l’infamie nazie, gauches et droites occidentales ont emboîté le pas, durant plus de trente ans, à ce qui s’est abusivement appelé « libéralisme ». L’extrême-droite n’a pas été partie prenante à la révolution conservatrice alors que la gauche et la droite, qu’elles se soient inquiétées de cette dynamique internationale ou qu’elles l’aient applaudie, ont dû s’inscrire dans le reagano-thatchérisme parce qu’elles gouvernaient et que l’attraction de la Chine et l’implosion soviétique ne leur laissaient guère le choix.

Gauches et droites n’ont simplement pas pu résister à un courant dominant et en paient maintenant le prix car les extrêmes-droites peuvent aujourd’hui les accuser de tout et du reste – d’avoir présidé aux reculs sociaux et à la désindustrialisation des dernières décennies, au réchauffement climatique, à l’affaiblissement du patriarcat par l’affirmation des droits des femmes et des homosexuels, à l’érosion de la prééminence occidentale et surtout, avant tout, à la pression migratoire.

Margaret Thatcher aura ainsi fait trois victimes. En plus de la droite et de la gauche, elle aura aussi défiguré le libéralisme – la matrice des gauches, l’enfant des Lumières – sous le nom duquel Viktor Orban, Vladimir Poutine et toute les extrêmes-droites confondent volontairement thatchérisme et libertés publiques pour mieux s’attaquer aux secondes.

Ecouter sur Euradio : https://euradio.fr/emission/9wRK-lhumeur-europeenne-de-bernard-guetta/K5be-panique-a-la-chancellerie-bernard-guetta#

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