C’est le seul bénéfice du Brexit, mais quel bénéfice ! Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, le nombre d’Européens souhaitant que leur pays se retire de l’Union est partout en baisse. Ce recul, relève le Guardian, est de 15,4% en Finlande, de 10,7% en Slovénie, de 9,5% aux Pays-Bas ou encore de 8,3% en France.

Sans qu’aucun des Etats membres ne fasse non plus exception, le pourcentage d’Européens se disant très attachés à l’appartenance à l’Union a parallèlement augmenté, souvent si spectaculairement que 72% des citoyens des 27, près des trois quarts d’entre eux, considèrent aujourd’hui que leur unité est une bonne chose. Bien que moins passionnément que Zidane ou Messi, l’Union est ainsi devenue formidablement populaire non seulement parce que 60% des Britanniques regrettent d’en être sortis mais aussi parce que les avantages et la nécessité de l’unité se sont avérés face à la pandémie puis au retour de la guerre en Europe.

Jamais, en un mot, la situation n’aura été aussi favorable à l’approfondissement de l’unité européenne car l’évolution des Etats est tout aussi nette que celle de l’opinion. Aucune des 27 capitales de l’Union ne rejette plus les idées de Défense européenne et de politiques industrielles communes financées par des emprunts communs. Autrefois uniquement françaises, ces idées restent à définir et mettre en place dans d’inévitables empoignades mais les tabous qui empêchaient tout progrès sont aujourd’hui tombés.

Après le marché commun et la monnaie unique, l’Union entre bel et bien dans le troisième moment de son histoire, celui de la construction d’une union politique qui s’affirme d’ores et déjà dans le front commun des Européens face à Vladimir Poutine et leurs livraisons d’armes à l’Ukraine, mais comment transformer l’essai ?

C’est la première question et la réponse est que l’erreur à ne pas commettre serait de vouloir à nouveau tenter une réforme institutionnelle immédiate. Les propositions de compromis auxquelles cela mènerait seraient forcément incomprises puisque les Européens ne maîtrisent pas les institutions actuelles. Sauf miracle, on irait vers de nouveaux « non » dans beaucoup de pays et s’ensuivrait, comme après le rejet du projet de traité constitutionnel, un long sommeil dont l’Union européenne ne peut plus s’autoriser le luxe alors qu’elle est, de fait, en guerre.

Pour quelques temps encore, il faudra faire avec des institutions dépassées car l’heure n’est pas aux débats sur les mérites comparés des fédéralismes helvétique, allemand ou américain. Elle est, bien au contraire, aux réalisations concrètes, attendues par 450 millions d’Européens et scellant de nouveaux liens et de nouvelles solidarités entre les Etats membres. Ce sont ces réalisations et non pas l’inverse qui donneront naissance aux institutions à venir mais alors, deuxième question : quand et par où commencer ?

La réponse est dans le calendrier. Dans un an, s’ouvrira la campagne pour les élections européennes. L’extrême-gauche, l’extrême-droite, la gauche, la droite, le centre et les écologistes concourront à cette bataille pour le contrôle du Parlement et chacune de ces familles politiques pourrait présenter – dans chacun des 27 Etats puisque le scrutin demeure national – les sept propositions qu’elle s’engagerait à défendre dans l’hémicycle afin d’y rallier les chefs d’Etats et de gouvernement.

Pourquoi sept ?

Parce que neuf, onze ou treize ce n’est déjà plus une liste de priorités, que ce chiffre est ambitieux sans être démesuré et qu’on ne peut pas être pris au sérieux en rejouant les travaux d’Hercule.

La campagne se ferait ainsi priorités contre priorités et esquisserait des coalitions d’idées dépassant des clivages traditionnels devenus caducs. Bien plus que simplement européennes, ces élections seraient une première ébauche d’élections fédérales et donneraient à l’Europe politique son acte de naissance, le troisième acte de l’Union.

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