Connaissez-vous un poutiniste, un seul ? Non, bien sûr. Il y a des gens auxquels il ressemble, comme Xi Jinping. Il en est d’autres qui s’inspirent de lui, comme Viktor Orban. D’autres encore, comme Lula, se félicitent d’échapper grâce à lui à un tête-à-tête avec la puissance américaine. Cela fait nombre d’alliés et de semblables mais pas foule et c’est la grande différence avec l’URSS.

Aux temps soviétiques, le communisme réunissait des centaines de millions de croyants à travers le monde qui tous avaient vénéré Staline jusqu’au XX° congrès. Le « petit père des peuples » avait ainsi pu rester aux commandes sa vie durant sans que rien ne puisse le menacer alors que Vladimir Poutine n’est qu’un simple mortel. Tant qu’il parait fort, tout va bien pour lui mais sitôt que ça ne sera plus le cas, ses jours seront comptés et, de l’Ukraine au Caucase, son affaiblissement est déjà patent.

La nouvelle diaspora russe ne mourra donc pas en terre étrangère. Contrairement à celle des années 20, elle est une opposition en exil, la vraie Russie comme la France libre était la vraie France, et parce qu’elle est destinée à peser sur le destin de la Fédération et sans doute même à la gouverner, sa tâche historique est d’y développer une culture politique pluraliste et d’y jeter le bases d’une transition pacifique vers la démocratie.

Cette opposition qui se cherche et resserre ses rangs d’une réunion à l’autre, ne peut autrement dit pas se contenter de débattre de la nécessité d’un Nuremberg du communisme et des mérites et inconvénients d’une lustration. Bien des gens devront rendre compte de leur crimes. L’Histoire du soviétisme, du eltsinisme, du poutinisme et de l’absolutisme tsariste est à écrire mais, pour l’heure, il faut éviter que le post-poutinisme ne se résume à une révolution de palais. Pour l’heure, il faut que les démocrates assurent le triomphe de la démocratie en proposant à la Russie un programme qui puisse rallier des pans entiers des villes et des campagnes à une opposition de masse qui ne se cantonnerait plus au secret des âmes et des cuisines.

Que propose l’opposition en exil pour rebâtir l’enseignement public ? Comment réorganiserait-elle le système de santé ? Comment la Russie pourrait-elle se préparer au réchauffement de ses terres orientales et en tirer profit ? Faudrait-il la doter d’un système présidentiel à la française  ou d’un système parlementaire à la britannique ? Devrait-elle s’arrimer à l’Union européenne ou même envisager de s’y intégrer un jour ?

C’est à ces questions, et à tant d’autres, qu’il faut donner des réponses qui sont à chercher dans des débats ouverts à la presse et notamment aux media russes en exil. Il faut donner à voir à la Russie une opposition qui réfléchisse, pense en dehors des sentiers battus et se soucie – c’est essentiel – de justice sociale. Quelle fiscalité instaurer pour financer les services publics ? Faut-il, par exemple, revenir sur les privatisations des années 90 ou en tout cas sur leur si discutable processus ? Un impôt forfaitaire pourrait-il corriger la spoliation des richesses nationales sur laquelle se sont constituées tant de si gigantesques fortunes ? Et comment rendre la Justice alors que la magistrature russe est ce qu’on sait ?

Pendant l’Occupation, la Résistance française avait négocié entre ses multiples courants un programme qui a nourri, jusqu’aujourd’hui, les politiques de la France. Les journaux et sites russes réfugiés à l’étranger devraient initier de telles discussions car c’est dans ces débats de l’exil que se forgera la Russie de demain, pluraliste, pacifique et démocratique. Et puis encore une chose que je dis également et martèle dans toutes les réunions auxquelles l’opposition russe invite le député européen que je suis. L’opposition en exil, la vraie Russie, doit d’urgence se donner trois porte-parole qui l’incarnent, des personnes déjà connues dans le monde et dont le prestige intellectuel et l’intégrité morale les imposent en interlocuteurs des grandes capitales.    

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