Et finalement, non, la France ne s’est pas singularisée. L’extrême-droite n’y est pas arrivée en tête du premier tour des élections régionales. Le Rassemblement national aura même du mal à remporter, dimanche prochain, la seule des régions françaises qu’il ait encore une chance de gagner et la France vient, du coup, de confirmer une évolution internationale toujours plus nette.

Donald Trump a dû céder la place à un homme qui remet à l’honneur l’investissement public, l’Etat et l’imposition des grandes sociétés. Une coalition allant d’un bout à l’autre du spectre politique a eu raison de Benjamin Netanyahou. La Lega participe aujourd’hui à un gouvernement d’unité nationale dont la priorité est d’ancrer plus encore l’Italie à l’Union européenne. Les nationaux-conservateurs polonais s’essoufflent tant qu’eux-mêmes ne croient plus guère remporter un nouveau mandat en 2023. Si les élections hongroises de 2022 avaient lieu dès maintenant, Viktor Orban ne les gagnerait pas. Jair Bolsonaro perd pied au Brésil où un retour aux commandes de Lula parait désormais probable et même l’Inde semble maintenant échapper à l’emprise de Narendra Modi et du BJP, son parti indouiste et nationaliste.

Hier encore force montante, l’extrême-droite marque partout le pas et le paradoxe est que ce retournement de situation intervient en pleine droitisation des électorats sur les cinq continents.

Jamais les thèmes, la culture et les nostalgies des droites n’ont été aussi dominants depuis la Deuxième guerre mondiale. Hier pléonastique, l’expression « intellectuel de gauche » relève toujours plus de l’oxymore. Ce siècle devient en un mot conservateur car il a si peur de tous les bouleversements en cours qu’une part croissante de nos sociétés rêve d’un retour à des frontières, des emplois et des industries, à des mœurs également, qui pourraient les préserver d’un grand saut dans l’inconnu.

Parce qu’elles sont prises de vertige devant trop de nouveautés technologiques, culturelles et géopolitiques, nos sociétés regardent en arrière et glissent donc en masse dans le conservatisme des droites et, parfois, le nationalisme des extrêmes-droites.

De tels temps défient forcément la gauche, parti du changement social et de l’universalisme, de l’ouverture à l’autre et à la nouveauté.

Ces temps ne sont pas de gauche mais le paradoxe est que cette même ampleur des bouleversements en cours crée simultanément un tel besoin d’Etat, de rentrées fiscales, de lutte organisée contre le réchauffement climatique et d’une cohésion sociale demandant la réduction des inégalités que ce siècle enterre le reagano-thatchérisme au profit d’un retour de la puissance publique et de son interventionnisme.

Ces temps sont de droite mais les solutions sont à gauche.

Ces temps sont si fragiles et complexes que les extrêmes-droites peuvent vite reprendre l’ascendant et l’auront bientôt fait pour peu que ne soit pas rapidement satisfait le désir d’ordre et de réassurance.

Rien ne serait ainsi plus illusoire que de croire en la possibilité d’un retour aux alternances entre gauches et droites de temps passés et révolus. Comme dans tout moment de grand péril, l’heure est au contraire au front commun des démocrates et des Démocraties.

Ce sont leurs convergences et non pas leurs divergences que gauches et droites doivent privilégier, non pas forcément pour gouverner ensemble mais pour contribuer de concert à défendre le modèle européen d’Etat providence, endiguer la montée en puissance des dictatures, renforcer l’Union et en faire un constant exemple de combat pour la justice sociale, la liberté et la protection de la planète. 

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