Le temps est venu. Cela ne s’est jamais fait mais, outre que le poste se libère en septembre, il y aurait aujourd’hui trois raisons de souhaiter qu’un Français devienne secrétaire général de l’Otan.
La première est qu’à l’heure où Américains et Européens apportent à l’Ukraine, toutes aides confondues, des soutiens d’une ampleur comparable, il serait pleinement justifié que ce soit la seule vraie puissance militaire de l’Union et le seul de ses Etats siégeant au Conseil de sécurité qui prenne les commandes de l’Alliance atlantique. Cela marquerait à quel point les Européens ne sont plus, dans cette guerre, les protégés des Etats-Unis mais toujours plus leurs égaux en droits et en devoirs. Cela donnerait à voir aux contribuables américains qu’ils ne sont pas seuls à financer la résistance à l’agression russe. L’aile droite des Républicains ne pourrait plus même laisser entendre que c’est avant tout aux Européens de payer pour se défendre et plus personne ne pourrait prétendre, en Europe, que ce sont les Etats-Unis qui entraîneraient les 27 dans une réplique à chaud de la Guerre froide.
Parce qu’il n’y a plus, en ce début de siècle, deux superpuissances face-à-face mais un nouvel équilibre qui se cherche entre la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie, l’Inde et bien d’autres acteurs en voie d’émancipation, les démocraties doivent, en un mot, faire front dans la mêlée en affirmant l’Alliance atlantique comme une alliance de puissances virtuellement égales. Un consensus sur la nomination d’un Français au secrétariat général de l’Otan signifierait que chacune des deux rives de l’Atlantique accepte la nécessité de cette évolution et ce n’est pas tout.
En défendant la candidature d’un des siens, la France signifierait de son côté que, contrairement à ce qui se dit toujours, elle ne souhaite aucunement substituer une Défense européenne à l’Alliance atlantique mais bien au contraire la renforcer en la dotant d’un pilier européen permettant un partage des tâches entre Occidentaux. Le jour où un Français prendrait la tête de l’Otan, non seulement les pays sortis du bloc soviétique pourraient perdre leurs dernières craintes sur la supposée persistance d’un rejet de l’Alliance atlantique à Paris mais le procès en antiaméricanisme constamment fait à la France s’acheminerait vite vers un non-lieu.
Ce jour-là, c’est sans plus d’inquiétudes que l’ensemble des 27 pourraient marcher à pas redoublés vers la Défense européenne dont ils ont jeté les bases en armant en commun l’Ukraine puis en passant ensemble leurs commandes de munitions. La guerre qui se mène en Europe n’est pas la dernière du XX° siècle mais la première du XXI°. Tout bouge, tout change et de tels bouleversements appellent une Française ou un Français à la tête de l’Otan.